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Raids SWAT spectaculaires et simultanés sur des centres de yoga roumains (II) : vérification des faits de l’opération à Buthiers, France

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Recours disproportionné aux forces de police à la recherche de… victimes inexistantes du MISA

Le 28 novembre 2023, peu après 6 heures du matin, une équipe SWAT d’environ 175 policiers portant des masques noirs, des casques et des gilets pare-balles, s’est abattue simultanément sur huit maisons et appartements distincts dans Paris et ses environs mais aussi à Nice, brandissant des fusils semi-automatiques.

Centre de retraite spirituelle pour pratiquants de yoga à Buthiers
Centre de retraite spirituelle pour pratiquants de yoga à Buthiers

Ces lieux recherchés étaient utilisés pour des retraites spirituelles par des pratiquants de yoga liés à l’école de yoga MISA en Roumanie. Ce matin fatidique, la plupart d’entre eux étaient encore au lit et ont été réveillés par des bruits et des cris très forts.

Le premier objectif des forces de police était d’identifier, d’arrêter, de détenir et de mettre en examen les suspects de « traite des êtres humains », de « séquestration » et d’« abus de vulnérabilité », en bande organisée. Le deuxième objectif était d’obtenir les déclarations de leurs victimes comme éléments de preuve.

A Buthiers (Île-de-France), 20 personnes – 15 femmes et 5 hommes – étaient en retraite au moment de la perquisition. Parmi eux se trouvaient des ingénieurs, des designers, des enseignants, des psychologues, un étudiant en psychologie, un philologue, un sociologue, un médecin, un acteur, etc. Ils étaient diplômés des lycées, facultés de sociologie, psychologie, électronique, mathématiques, informatique de Bucarest, Cluj Napoca, Chisinau (Moldavie), Buenos Aires (Argentine)…

Droits de l’homme sans frontières a interrogé l’une des résidents, Mme SC

, une femme orthodoxe qui pratiquait le hatha, le yoga tibétain et d'autres formes de yoga en Roumanie depuis 32 ans.  Elle était venue de Iasi à Buthiers dans la voiture de son petit ami qui avait autre chose à faire à Paris.  Ils connaissaient tous les deux ce centre de retraite où ils avaient déjà passé plusieurs semaines il y a quelques années.  C'était spacieux, confortable et bien équipé.
Spectaculaires raids SWAT simultanés sur des centres de yoga roumains (II) : Vérification des faits sur l’opération de Buthiers, France 2

Espace de vie pour les pratiquants de yoga à Buthiers

Entretien

Q. : Que s’est-il passé au centre de retraite spirituelle de Buthiers au petit matin du 28 novembre 2023 ?

A. : J’ai été soudainement réveillé par beaucoup de bruit et de cris. Il faisait encore sombre dehors et tout ce que je pouvais voir par la fenêtre étaient des faisceaux de lumière provenant de lampes de poche. J’entendais des gens crier, courir et cogner violemment des objets dans toute la maison.

Au début, je ne réalisais même pas ce qui se passait. Je pensais qu’une bande de méchants était entrée par effraction dans la maison et qu’ils allaient nous tuer. Peu de temps après cette première pensée effrayante, j’ai commencé à comprendre certains mots des cris et j’ai réalisé qu’il s’agissait en réalité d’une descente de la police française.

C’est à ce moment-là que j’ai commencé à m’interroger sur les raisons d’un acte aussi brutal et inattendu.  Il n'y avait que des gens paisibles dans la maison qui étaient venus au centre de retraite spirituelle pour se régénérer grâce à des pratiques de relaxation et des promenades dans un merveilleux environnement naturel.

Raids SWAT simultanés spectaculaires sur des centres de yoga roumains (II) : Vérification des faits sur l’opération de Buthiers, France 3

Ignorant les propositions des invités d’ouvrir tranquillement les portes avec les clés de la maison, la police a fracassé les portes d’entrée du bâtiment ainsi que divers locaux à coups de béliers, causant ainsi de nombreux dégâts.

Plusieurs hommes et femmes ont été violemment plaqués au sol et menottés avec les mains dans le dos alors qu’ils n’avaient montré aucun signe de résistance.

Après environ trois heures, on nous a dit de faire rapidement tous nos bagages car nous serions emmenés dans un autre endroit pour être interrogés et nous ne serions pas autorisés à retourner au centre de retraite.

La police a soigneusement vérifié les choses que nous mettions dans nos bagages : vêtements, sous-vêtements, cahiers, etc. Nos objets électroniques personnels ont été confisqués au motif qu’ils constituaient des « preuves », même si nous n’avons jamais été informés d’une quelconque accusation. Nous avons dû abandonner nombre de nos effets personnels, même des médicaments. Nous n’avions pas le droit d’emporter de la nourriture ni de l’eau avec nous, mais j’ai réussi à garder une bouteille.

Q. : Où avez-vous été emmené et que s’est-il passé là-bas ?

R. : Nous avons été envoyés en bus au siège de l’Académie nationale de police de Cannes-Écluse et réunis dans une salle de conférence. Huit heures s’étaient déjà écoulées depuis le début du raid. Pour la première fois, une des policières nous a expliqué les raisons de la descente et le fait que nous étions considérées comme de possibles victimes de trafic, de privation de liberté et d’abus sexuels.

Nous avons demandé à tous très surpris d’entendre une telle explication. Nous avons répondu que les seules personnes qui nous avaient privés de liberté en France étaient les policiers qui avaient confisqué nos papiers d’identité et nos téléphones personnels.

La plupart d’entre nous étaient encore dans un état de choc émotionnel, effrayés et traumatisés par tous les événements qui s’étaient déroulés. Nous avons demandé à plusieurs reprises l’assistance d’un avocat mais notre demande a été refusée au motif que notre statut ne nous le permettait pas. Ils ont tenté de diverses manières de nous faire « parler », notamment sous la pression de nous maintenir enfermés jusqu’à 96 heures (durée légale d’une « garde à vue », privation de liberté).

Sans avocat, j’ai refusé de répondre à toutes les questions car j’étais encore sous le choc émotionnel de cet événement.

Spectaculaires raids SWAT simultanés sur des centres de yoga roumains (II) : Vérification des faits sur l’opération de Buthiers, France 4

On nous a également proposé de parler à un représentant d’une association d’aide aux victimes de traite et/ou d’abus sexuels mais j’ai refusé car je n’étais pas victime.

Ils n’arrêtaient pas de nous répéter que nous étions des victimes et qu’ils nous avaient secourus mais c’était une situation kafkaïenne, un véritable dialogue de la mort. Nous n’avions pas été victimes de trafic vers la France, nous n’étions pas victimes du MISA et nous n’avions pas besoin d’être secourus.

Q. : Comment avez-vous finalement été libéré et dans quelles conditions ?

R. : Après environ deux ou trois heures, ils m’ont rendu ma carte d’identité mais je n’ai pas pu récupérer mes effets personnels. Je n’ai pas reçu de copie de la liste des objets personnels qu’ils avaient confisqués et je n’ai signé aucun rapport ou déclaration. J’ai été escorté jusqu’à la porte de l’immense propriété de l’Académie nationale de police et on m’a seulement montré l’arrêt de bus local.

En gros, je me suis retrouvé dans la rue dans un pays étranger et dans une ville dont je ne savais même pas où elle se trouvait. Je n’avais pas la possibilité de retourner au centre MISA de Buthiers car il était bouclé. Mon téléphone avait été confisqué pour l’enquête, je ne pouvais appeler personne à l’aide et je n’avais pas d’argent sur moi, juste une carte bancaire avec un petit montant dessus.

Après quelques heures passées dans la rue dans le froid, un de mes amis s’est souvenu du numéro de téléphone d’un ami et a demandé à quelqu’un dans la rue d’appeler cette personne pour obtenir de l’aide. Après quelques heures supplémentaires, nous avons rejoint la personne qui nous a hébergés et nous a aidés à rentrer en Roumanie.

Q. : Et si vous reveniez en France à l’avenir ?

R. : Plus jamais. Cinq mois après cette expérience, je suis toujours fragile émotionnellement. Quand je vois une photo de la Tour Eiffel dans un film ou quand j’entends un bruit soudain et fort, je me mets à frissonner. C’est comme un syndrome post-traumatique. Il faudra du temps pour s’en débarrasser.

Certains commentaires

On peut se demander sur quelle base il a été décidé de lancer plusieurs raids simultanés du SWAT d’une telle ampleur – 175 policiers lourdement armés – contre des centres de yoga partout en France. Des personnes dangereuses, des armes et de la drogue ne semblaient pas être ce à quoi ils auraient pu s’attendre si les lieux avaient fait l’objet d’un examen minutieux préalable par la police.

On peut se demander pourquoi des béliers destructeurs ont été utilisés alors que les résidents offraient des clés pour ouvrir l’entrée et les autres portes en toute sécurité sans aucun dommage.

On peut se demander pourquoi et sur quelle base plusieurs pratiquants de yoga ont été menottés alors qu’ils n’ont opposé aucune résistance lors de leur arrestation.

On peut se demander pourquoi ils se sont vu refuser l’assistance d’avocats français.

On peut se demander pourquoi, plus de cinq mois après le raid, les pratiquants de yoga roumains n’ont plus eu de nouvelles de la police française ni du procureur et n’ont pas récupéré leurs téléphones et autres biens confisqués.

On peut se demander comment les autorités françaises vont avancer dans une affaire où six personnes ont été placées en détention provisoire (plusieurs étaient toujours détenues après cinq mois) et où aucune plainte n’a été déposée par aucun des dizaines de pratiquants de yoga interrogés.

Par respect pour la vie privée de la personne interrogée, nous ne mettons que ses initiales mais nous disposons de son nom complet et de ses coordonnées.

Publié à l’origine dans The European Times.

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