De doubles attentats-suicides ont secoué jeudi la capitale tunisienne, alors même que le pays était plongé dans l’incertitude avec l’hospitalisation du président Beji Caid Essebsi, qui aurait été « gravement malade ».
La violence a ravivé les craintes pour la stabilité de l’État nord-africain, qui est considéré comme un rare exemple de réussite démocratique des soulèvements du Printemps arabe, mais a été frappé par de nombreuses attaques islamistes.
Les explosions de jeudi – l’une sur une avenue centrale et l’autre contre une base sécuritaire – ont tué un officier de police et blessé au moins huit personnes, dont plusieurs civils, a annoncé le ministère de l’Intérieur.
Un correspondant de l’AFP a vu des morceaux de corps éparpillés sur la route entourant une voiture de police après le premier attentat, qui a eu lieu sur Habib Bourguiba, une avenue centrale proche de la vieille ville.
Le ministère de l’Intérieur a déclaré qu’un policier était décédé des suites de ses blessures après l’explosion, alors qu’un autre policier et trois civils avaient été blessés.
« C’était un attentat-suicide », a déclaré à l’AFP Sofiene Zaag, porte-parole du ministère de l’Intérieur.
Une demi-heure plus tard, la deuxième attaque visait une base de la garde nationale, la police judiciaire et la branche antiterroriste de la capitale.
« Un individu s’est fait exploser devant la porte de derrière » de la base, blessant quatre membres des forces de sécurité, a précisé Zaag, ajoutant que les deux auteurs étaient des hommes.
Des ambulances et des véhicules des services d’urgence sont rapidement arrivés sur les lieux, alors que les forces de sécurité tentaient de tenir les curieux à distance.
Des parties du corps gisaient sur le trottoir près du véhicule de police visé, notamment la tête et les pieds de l’attentat.
– Les spectateurs sont choqués –
Certains spectateurs se sont précipités pour prendre des photos, d’autres se sont évanouis sous le choc ou ont quitté les lieux en larmes.
« Sortez d’ici! Qu’est-ce que vous filmez? Partez! Rentrez chez vous », ont crié des agents alors qu’ils tentaient de pousser les gens derrière un cordon de police.
Plusieurs magasins et bureaux ont fermé dans la panique.
Quelques heures à peine après l’annonce de l’attaque, la présidence a annoncé qu’Essebsi « était tombé gravement malade et avait été transféré à l’hôpital militaire de Tunis ».
Le conseiller clé Firas Guefrech a décrit le dirigeant âgé de 92 ans comme « dans un état critique » et, dans un tweet ultérieur, a déclaré qu’Essebsi était « stable », exhortant ses partisans à prier pour son rétablissement.
Le Premier ministre Youssef Chahed a déclaré sur Facebook qu’il avait rendu visite au président en difficulté.
« Je voudrais rassurer les Tunisiens sur le fait que le président reçoit les soins nécessaires », a-t-il déclaré, mettant en garde contre la diffusion « d’informations fausses et déroutantes ».
Essebsi, le premier président du pays élu démocratiquement, est arrivé au pouvoir en 2014, trois ans après le soulèvement du Printemps arabe, qui a renversé le dictateur de longue date Zine El Abidine Ben Ali et a déclenché des révoltes dans plusieurs pays arabes.
Il n’y a pas eu de revendication immédiate de responsabilité pour les attaques.
Les unités de protection civile et la police se sont rapidement déployées sur l’avenue Habib Bourguiba, où se trouve le ministère de l’intérieur
« C’est une opération terroriste lâche … pour (déstabiliser) les Tunisiens, l’économie et la transition démocratique », a déclaré Chahed à la presse, soulignant que cela s’était passé alors que la saison touristique battait son plein.
« Ces groupes (terroristes) n’appartiennent pas à la Tunisie et notre guerre contre eux est … une question de vie ou de mort », a ajouté le Premier ministre.
– Prochaines élections –
Sofiene Sliti, porte-parole des procureurs anti-terroristes, a déclaré que les kamikazes portaient des gilets explosifs.
Les deux attaques ont également eu lieu avant les élections présidentielle et législatives, prévues pour octobre et novembre.
En avril, Essebsi a déclaré qu’il n’envisageait pas de se représenter afin de laisser la place à un jeune.
Le politicien vétéran a servi de conseiller à Habib Bourguiba, le père de l’indépendance de la Tunisie par rapport à la France, occupant plusieurs postes clés sous ses responsabilités, puis sous Ben Ali.
La Tunisie, berceau des soulèvements du Printemps arabe, a été frappée à plusieurs reprises par des attaques islamistes depuis le renversement de Ben Ali en 2011.
Le 29 octobre 2018, un diplômé sans emploi s’est fait exploser près des voitures de la police sur l’avenue Habib Bourguiba, faisant 26 morts et 26 blessés, selon le ministère de l’Intérieur.
Les autorités tunisiennes ont déclaré qu’elle avait juré allégeance à l’EI.
Cette attaque a été la première à secouer la capitale tunisienne pendant plus de trois ans et demi.
En mars 2015, des hommes armés djihadistes ont tué 21 touristes et un policier au musée national du Bardo à Tunis.
En juin de la même année, 30 Britanniques faisaient partie des 38 vacanciers étrangers tués dans une attaque à la grenade et à la grenade contre une station balnéaire située près de la ville tunisienne de Sousse.
Et en novembre 2015, un attentat-suicide à la bombe contre un bus transportant des gardes présidentiels a tué 12 personnes, lors d’une attaque revendiquée par l’EI.
Source AFP