19 Sep 2018
Alexandre Benalla a tenté mercredi de s’expliquer devant le Sénat sur son rôle à l’Élysée, assurant qu’il n’était pas le garde du corps d’Emmanuel Macron même s’il lui arrivait de porter une arme lors de déplacements officiels, mais sans convaincre totalement les sénateurs.
En deux heures d’audition, l’ex-collaborateur de l’Élysée, qui avait menacé de garder le silence, s’est montré très loquace pour détailler ses fonctions auprès du président, après s’être excusé auprès des sénateurs au préalable.
Tiré à quatre épingles, sans son avocat, M. Benalla, 27 ans, a déclaré sous serment n’avoir « jamais été le garde du corps d’Emmanuel Macron », que ce soit pendant la campagne présidentielle ou après l’arrivée de M. Macron à l’Élysée. Il a ajouté qu’il était « chargé de mission, c’est-à-dire le niveau le plus bas » dans le cabinet de l’Élysée, pour un salaire de 6.000 euros nets par mois.
Cette question est au centre des débats de la commission d’enquête qui cherche à connaître les fonctions précises qu’occupait auprès du président M. Benalla, mis en examen pour avoir malmené des manifestants le 1er mai à Paris, des faits sur lesquels il n’a pas été interrogé au nom de la séparation des pouvoirs.
La protection du chef de l’État est dévolue à deux unités d’élite, le Groupe de Sécurité de la présidence de la République (GSPR) et, à l’intérieur de Élysée, le commandement militaire. Mais sur de nombreuses images, on a pu apercevoir M. Benalla aux côtés du président, ce qui interroge sur son rôle et ses relations avec la hiérarchie policière, ont rappelé plusieurs sénateurs.
« On est toujours devant les mêmes invraisemblances. Ce qui est très gênant c’est qu’on se sente baladés et qu’on puisse nous asséner des contrevérités contredites par les faits, comme ça, sous serment », a déploré François Grosdidier, membre LR de la commission des Lois du Sénat.
« Subsistent pour nous bon nombre d’interrogations et nous allons continuer nos travaux », a déclaré le président de la commission d’enquête Philippe Bas (LR).
Interrogé longuement sur l’autorisation de port d’armes dont il disposait, M. Benalla a affirmé qu’elle « n’était pas liée à la sécurité du président de la République mais à (s)a sécurité personnelle », une version là-aussi accueillie avec scepticisme par les parlementaires.
Le jeune homme a concédé qu’il a pu lui arriver « trois fois en un an » de porter une arme sur des déplacements officiels et privés du président. Il a également indiqué qu’il arrivait et repartait de l’Élysée avec son « arme à la ceinture », un Glock 43.
Il est apparu en difficulté lorsque Philippe Bas lui a rappelé que la préfecture de police, dans sa décision de lui accorder un port d’arme, indiquait que « M. Benalla est chargé d’une mission de police dans le cas de son action de coordination de la sécurité de la présidence de la République avec les forces militaires et le GSPR ».
« Cet arrêté a été rédigé par un service, qui s’appelle la direction de la police générale, et qui a essayé de faire rentrer mon cas qui n’est pas un cas conforme dans les clous », a répondu M. Benalla.
Mais il a également été contredit par l’ex-directeur de cabinet du préfet de police Yann Drouet qui a assuré mercredi devant le Sénat que l’autorisation de port d’arme à Alexandre Benalla avait été délivrée « dans le cadre de ses missions » et non pour « sa sécurité personnelle ».
Auparavant, M. Benalla avait tenté d’amadouer les sénateurs et Philippe Bas qu’il avait qualifié de « petit marquis », en leur présentant ses excuses. « Je voulais vous assurer de mon respect total, et vous présente mes excuses », a-t-il déclaré à Philippe Bas.
« Cette audition n’a pas permis d’avoir de réponses: de quels moyens de pression dispose A. Benalla pour rendre le président de la République aussi fébrile, et pour lui avoir permis de bénéficier d’autant de protections au plus haut niveau de l’Etat? », a commenté le patron du groupe LR à l’Assemblée, Christian Jacob, auprès de l’AFP.
Révélée en juillet par le journal Le Monde, l’affaire Benalla a empoisonné l’été d’Emmanuel Macron. Selon un sondage Elabe pour BFMTV mercredi, 73% des Français estiment qu’elle « impacte négativement » leur image du président.
Le chef de l’Etat a, lui, qualifié l’affaire de « tempête dans un verre d’eau ». Mais, loin de s’évaporer, elle continue d’occuper le devant de la scène et a donné lieu à des échanges musclés entre exécutif et sénateurs, s’écharpant sur la question de la séparation des pouvoirs.
Mercredi, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a de nouveau mis en cause la « déontologie » du président de la commission d’enquête sénatoriale. Réponse du tac au tac de Philippe Bas: « J’ignorais que Monsieur Benjamin Griveaux fût professeur de déontologie. »
Source: AFP