Dans ce document, l’Observatoire souligne que son objectif est de « lutter contre les pratiques illégales des sectes ».
Pratiques illégales des sectes
Tout d’abord, il convient de souligner que la notion de « secte » (secte en français) ne fait pas partie du droit international. Tout groupe religieux, spirituel, philosophique, théiste ou non, ou l’un de ses membres, peut déposer une plainte pour violation présumée de la liberté de religion ou de conviction. Beaucoup l’ont fait avec succès dans les pays européens, notamment devant la Cour européenne des droits de l’homme sur la base de l’article 9 de la Convention européenne :
« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit inclut la liberté de changer de religion ou de conviction et la liberté, seul ou en communauté avec d’autres et en public ou en privé, de manifester sa religion ou sa conviction par le culte, l’enseignement, la pratique et l’observance. »
Deuxièmement, les sectes sont juridiquement impossibles à identifier. La publication d’une liste de 189 groupes potentiellement suspects rattachés au Rapport parlementaire belge sur les sectes en 1998 a été largement critiqué à l’époque pour son instrumentalisation stigmatisante, notamment mais pas seulement par les médias. Il a finalement été reconnu qu’il n’avait aucune valeur juridique et ne pouvait pas être utilisé comme document juridique devant les tribunaux.
Troisièmement, la Cour européenne des droits de l’homme a récemment rendu un arrêt dans l’affaire Tonchev et autres c. Bulgarie du 13 décembre 2022 (Nr 56862/15), opposant les évangéliques à l’État bulgare à propos de la distribution par une autorité publique d’une brochure mettant en garde contre les sectes dangereuses, y compris leur religion. La Cour a notamment déclaré :
Le paragraphe 52 de l’arrêt énumère d’autres cas tels que «Leela Förderkreis eV et autres c. Allemagne » et « Centre des sociétés pour la conscience de Krishna en Russie et Frolov c. Russie», dans laquelle l’utilisation du terme péjoratif « secte » a été désavouée par la Cour européenne et fait désormais foi. Voir également le commentaire de l’arrêt de la Cour européenne par Massimo Introvigne dans Hiver amer sous le titre « Cour européenne des droits de l’homme : Les gouvernements ne devraient pas qualifier de « sectes » les religions minoritaires.»
La mission officielle de l’Observatoire belge des cultes est donc intrinsèquement et très clairement en contradiction avec la Cour européenne en stigmatisant les soi-disant « organisations sectaires nuisibles », une formulation évidemment péjorative.
L’utilisation de propos désobligeants ciblant les homosexuels, les Africains ou tout autre groupe humain est interdite par la loi. Il ne devrait pas en être autrement pour les groupes religieux ou de conviction.
Enfin et surtout : par qui, comment et selon quels critères de « nocivité » les « organisations sectaires nuisibles » pourraient-elles être légalement identifiées ?
Le mandat de l’Observatoire est également intrinsèquement contradictoire.
D’une part, sa mission est de lutter contre les soi-disant « pratiques illégales » des sectes, qui doivent donc être qualifiées comme telles par un jugement définitif et pas avant.
D’autre part, sa mission est aussi de « lutter contre les organisations sectaires nuisibles », ce qui peut se faire sans aucune décision judiciaire concernant les groupes à cibler. La neutralité de l’État est clairement en jeu ici, d’autant que de nombreuses « sectes » ou leurs membres ont gagné de nombreux procès à Strasbourg contre des États européens sur la base de l’article 9 de la Convention européenne protégeant la liberté de religion ou de conviction.
La mission de l’Observatoire belge des cultes vulnérable à une plainte à Strasbourg
Ces aspects de la mission de l’Observatoire ne résisteraient pas à une plainte devant la Cour européenne.
En effet, il ne faut pas oublier les effets collatéraux surprenants d’une récente plainte « ordinaire » concernant une fiscalité discriminatoire déposée à Strasbourg par une congrégation locale du mouvement des Témoins de Jéhovah, traitée de secte par l’Observatoire belge des cultes et les autorités de l’État belge. La Cour européenne a ensuite vivement critiqué l’absence totale de base juridique pour la reconnaissance par l’État des groupes religieux et philosophiques, ce qui ne faisait pas partie de la plainte, et a appelé la Belgique à se conformer au droit international.
Le 5 avril 2022, dans l’affaire Congrégation des Témoins de Jéhovah d’Anderlecht et autres c. Belgique (requête n° 20165/20) concernant une question fiscale discriminatoire à l’égard des Témoins de Jéhovah, la La Cour européenne des droits de l’homme a statuéà l’unanimité, qu’il y a eu :
« une violation de l’article 14 (interdiction de la discrimination) lu conjointement avec l’article 9 (liberté de pensée, de conscience et de religion) de la Convention européenne des droits de l’homme. »
Elle dit également, à l’unanimité, que la Belgique doit verser à l’association requérante 5 000 euros (EUR) pour frais et dépens.
La Cour a également noté que ni les critères de reconnaissance ni la procédure conduisant à la reconnaissance d’une confession par l’autorité fédérale n’ont été fixés dans un instrument répondant aux exigences d’accessibilité et de prévisibilité, inhérentes à la notion de règle.
La Belgique a désormais mis en place un groupe de travail pour réviser a posteriori la reconnaissance étatique des organisations religieuses et philosophiques. La Belgique devrait mieux anticiper un autre problème concernant sa politique sectaire et suivre l’exemple de la Suisse avec sa Centre d’information sur les croyances (CIC).
Publié primier a The European Times news