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Lancement de l’étude économique 2011 de la France – OCDE

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Remarques d’Angel Gurría, Secrétaire général de l’OCDE, lors de la présentation de l’étude economique 2011 de la France

11 Avril 2011, Paris

Madame la Ministre, Mesdames, Messieurs, chers collègues,

C’est un grand plaisir pour moi d’avoir l’occasion une fois de plus d’échanger avec Madame Lagarde sur l’état de l’économie mondiale, et cette fois-ci, en l’occurrence, sur celle de la France. Pendant cette année de présidence française du G20, nos relations avec le gouvernement de notre pays hôte sont plus étroites que jamais. Cela tient en partie à l’excellence de nos relations avec vous, Madame. Vous n’avez jamais ménagé votre énergie pour favoriser le dialogue international, dans lequel vous brillez d’ailleurs, comme tout le monde le reconnaît.

Je voudrais partager avec vous avant tout notre vision des perspectives de l’économie française et des réformes susceptibles d’en accroître la performance. La situation certes s’améliore, mais la récession va inéluctablement laisser des traces durables en matière de budget tout comme sur l’emploi. Il s’agit donc pour la France, et je ne vous apprends rien, Madame, d’assainir ses finances publiques et de continuer à réformer son marché du travail, ceci afin d’améliorer sa capacité productive, la seule véritable solution de sortie de crise.

Je me pencherai ainsi ensuite sur cet assainissement budgétaire qui devra inexorablement passer par une réduction des dépenses publiques. Mais celle-ci ne sera pas suffisante. A moyen terme, et peut-être même à court terme, il s’avérera également nécessaire d’augmenter les recettes en privilégiant les impôts les moins nuisibles à la croissance, tout en veillant à contenir les inégalités, exercice délicat s’il en est. 

Enfin, je m’attarderai sur la politique du logement et de l’environnement, qui font l’objet de deux chapitres approfondis dans l’étude que nous vous présentons aujourd’hui. Ces sujets sont pour l’un au cœur des préoccupations sociales de vos concitoyens, pour l’autre au centre de nos préoccupations pour les générations futures.

Permettez-moi maintenant de développer ces quelques points.

Regardons en premier lieu où en est la reprise en France. Elle est enclenchée, c’est un fait avéré. Mais elle reste modérée, surtout relativement à l’ampleur du choc subi. L’impact de la récession avait lui-même été modéré par rapport à d’autres pays de l’OCDE. Le filet social, les fameux « amortisseurs », ont certes permis d’ atténuer substantiellement l’impact du choc mondial. Mais cela tient également, et il faut le reconnaître, à la bonne gestion de la crise par les autorités françaises. De plus, la consommation privée a bien résisté, grâce à un niveau d’épargne des ménages élevé avant la crise, ainsi qu’aux pratiques de crédit plutôt prudentes.

Nos projections les plus « fraîches » indiquent ainsi une croissance réelle du PIB de l’ordre de 2% cette année, voire un peu plus, ce qui ne permettrait de toute façon qu’un lent recul du chômage.

Quant au marché immobilier, il s’est retourné à la hausse, comme dans nombre de pays, soutenu par des conditions de financement exceptionnellement favorables et les politiques publiques. Il reste sans doute vulnérable en cas de nette remontée des taux, mais le maintien de taux bas pourrait en revanche nourrir une bulle sur les prix immobiliers. Nous recommandons ainsi, en cas d’emballement prolongé des prix, l’adoption de mesures explicites visant à limiter la distribution de crédit à l’habitat aux ménages.

Le plus inquiétant reste les performances françaises en matière d’emploi. Ceci représente encore un des points faibles de l’économie française. L’écart de taux d’emploi avec la moyenne des pays de l’OCDE est en effet tel qu’il manque environ 1.5 million d’emplois pour les moins de 25 ans et les plus de 55 ans combinés. La réforme des retraites en 2010 fait partie d’une stratégie qui sera payante pour l’emploi des seniors. Mais cet effort doit être prolongé afin de surmonter les principales faiblesses françaises.

Celles-ci incluent un haut niveau de fiscalité pesant sur le travail et s’ajoutant à un salaire minimum élevé par rapport au salaire médian. De plus, la forte segmentation des contrats de travail répartit de façon inéquitable le poids des ajustements nécessaires, tout en pesant sur la capacité de l’économie à s’adapter aux chocs. Il faut également mentionner l’insuffisante qualité du dialogue social, et c’est sans doute un euphémisme.

Enfin, il est essentiel que la France développe les mesures d’activation et continue à s’inspirer de l’expérience danoise de « flexicurité ». Elle s’y est d’ailleurs déjà engagée avec la réforme de la formation professionnelle, le renforcement d’instruments tels que la Convention de Reclassement Personnalisée ou le Contrat de Transition Professionnelle, ou encore la création de Pôle emploi et la rénovation de son offre de services.

Mais s’attaquer aux défaillances du marché de travail ne suffira pas. Il faut continuer à mettre l’accent sur l’offre productive dans son ensemble. Les performances de la France en matière de commerce extérieur sont en effet décevantes sur une longue période. A cet égard, nombre de mesures récentes vont dans le bon sens, telles que la suppression de la taxe professionnelle et l’élargissement des pouvoirs de l’Autorité de la concurrence. La montée en charge du crédit d’impôt recherche, la nouvelle autonomie des universités et les « dépenses d’avenir » devraient également contribuer à améliorer cette offre productive.

Pour aller plus loin, de nombreuses réformes restent nécessaires. Il faut continuer notamment à réformer l’enseignement supérieur et la recherche et rendre la politique de pôles de compétitivité plus efficace. Mais il faudrait également lever les barrières administratives à la croissance des PME et assouplir les conditions d’entrée dans le secteur de la distribution et des professions réglementées, réformes attendues depuis bien longtemps. Enfin, le taux statutaire de l’impôt sur les sociétés devrait être réduit grâce à une remise à plat des niches fiscales dont bénéficient les entreprises.

Venons-en maintenant à ce qui fâche : la politique budgétaire nécessairement restrictive. La France doit rompre définitivement avec la dérive des comptes publics afin d’éviter que la stabilité macroéconomique ne soit menacée. D’autant plus que cette dérive a des causes profondes, au-delà de l’impact de la récession actuelle.

La réforme des retraites 2010 atteste de la détermination des autorités et le rythme d’assainissement prévu jusqu’en 2014 est approprié. Mais les mesures permettant d’y parvenir doivent être rapidement précisées. L’équilibre budgétaire devrait également être visé à moyen terme afin de réduire le poids de la dette à un rythme souhaitable.

Pour consolider cet effort et asseoir la crédibilité du gouvernement, la France aurait intérêt à se doter d’un cadre budgétaire renforcé et à valeur constitutionnelle. Ce cadre inclurait une règle de déficit structurel, une programmation budgétaire pluriannuelle détaillée et un conseil budgétaire indépendant. Celui-ci aurait notamment pour mission d’évaluer les projections macroéconomiques du gouvernement ; d’examiner la cohérence du programme pluriannuel avec la règle budgétaire ; et d’identifier les failles utilisées pour contourner les règles. Évidemment, il ne s’agit pas d’une recette miracle, ni ne saurait pallier un engagement politique défaillant. Mais cela permettrait néanmoins d’ancrer la discipline budgétaire.

D’autres réformes de structure sont indispensables afin de préserver le haut niveau de protection sociale cher aux Français. Elles devraient viser en priorité à maîtriser les dépenses de santé et à améliorer l’efficacité des administrations publiques centrale, locales et de Sécurité Sociale, notamment en revoyant systématiquement les dépenses au regard des objectifs visés.

Côté recettes, il faut continuer d’élaguer les « niches » fiscales et sociales inefficientes, et envisager de relever les impôts les moins nocifs, notamment les taxes sur les externalités environnementales, la propriété et la TVA, et en priorité les taux réduits. Il s’agit donc bien d’une grande réforme fiscale, qui certes fait couler beaucoup d’encre mais semble être devenue le serpent de mer de la politique française, surtout en période pré-électorale.

Penchons nous maintenant sur le logement, secteur de premier plan dans l’économie et au cœur du débat social et politique. Malgré une progression remarquable des conditions de logement depuis plus de 50 ans, la situation pourrait être sensiblement améliorée car le mal logement continue de toucher en France plus de 5 % de la population. En outre, les inégalités face au coût du logement se sont récemment creusées. Et des tensions perdurent, concentrées dans des zones géographiques dites tendues, où l’offre est insuffisante.

Or, la politique du logement poursuit en France des buts multiples et parfois difficilement conciliables. Elle doit donc gagner en cohérence et s’articuler davantage autour de trois axes : d’abord développer les aides personnelles sous conditions de ressources ; ensuite soutenir directement l’offre en zones tendues, notamment via un secteur social recentré sur les ménages défavorisés ; enfin rendre l’offre plus réactive et le marché plus fluide.

Pour ce faire, l’indice d’indexation des loyers du secteur privé doit être révisé, les valeurs locatives cadastrales mises à jour et les rapports locatifs rééquilibrés. Il est également important de libérer des terrains constructibles et de relever les coefficients d’occupation des sols. Enfin, nombre d’autres mesures seraient utiles, telles que la réduction des avantages fiscaux associés à la résidence principale et le basculement progressif de la fiscalité sur les transactions vers la taxe foncière.

La réforme du logement social passe en outre par le regroupement des organismes HLM à un niveau supra communal et la révision du mode d’allocation des logements sociaux. Les loyers des ménages du secteur social ayant des revenus supérieurs à la moyenne doivent quant à eux être rapprochés des niveaux de marché. Le gouvernement devrait aussi évaluer le mode de financement du logement social spécifique à la France. Il est susceptible en effet d’engendrer des distorsions importantes sur l’allocation de l’épargne et la structure des loyers entre parcs public et privé.

Enfin, qu’en est-il de la politique environnementale française ? La France affiche de bons résultats par rapport aux objectifs de Kyoto. Elle part en effet d’un niveau d’émissions de gaz à effet de serre relativement faible, grâce il faut bien le dire à la place prépondérante du nucléaire et de l’hydroélectricité.

L’objectif de réduire drastiquement les émissions est louable en soi. Mais il est également crucial d’analyser systématiquement le rapport coûts efficacité. L’utilisation et le calibrage des différents instruments, comme les taxes et les subventions, doivent minimiser les coûts d’abattement des émissions. Ceux-ci devraient être harmonisés entre les différentes sources d’énergie, car l’hétérogénéité considérable de la tarification implicite du carbone est inutilement coûteuse.

Permettez-moi d’aborder la question de la fameuse taxe carbonne. Celle-ci constitue en effet, et en principe, l’un des meilleurs instruments de politique environnementale. Il est ainsi regrettable que le Conseil constitutionnel ait rejeté la première tentative du gouvernement. Dans ce contexte, il faudrait en France entre autres relever les taxes applicables au gaz naturel, au charbon, au fioul domestique et au diesel, et réduire les dépenses fiscales dont bénéficient les plus gros utilisateurs de carburants. Par ailleurs, des marges de manœuvre existent pour améliorer substantiellement la gestion des ordures ménagères et de l’eau.

Enfin, dans le dramatique contexte actuel, est-il besoin de rappeler que les coûts de traitement des déchets nucléaires devraient être mieux comptabilisés et que les estimations des coûts futurs de démantèlement des centrales réalisées régulièrement par des experts indépendants ?

Madame la Ministre, Mesdames, Messieurs,
L’économie mondiale est à la croisée des chemins. Nous pensons à l’OCDE que la reprise est en train de s’ancrer et de devenir autonome, en dépit des dramatiques évènements récents au Japon. Les performances économiques de la France s’inscrit entre la moyenne européenne et celle des pays du G7 hors Japon, ce qui est tout à fait « honorable ». Pour dépasser cette moyenne et recevoir un tableau d’honneur elle doit poursuivre avec ténacité les réformes structurelles nécessaires pour rendre son économie plus compétitive et, avant tout, pour faire reculer le chômage.

Le gouvernement dont vous faites partie, Madame, s’y est engagé avec tout l’énergie qu’il met également à présider le G20. L’OCDE reste à votre disposition pour soutenir ces réformes et dialoguer afin de définir ensemble, et pour tous, de meilleures politiques pour une vie meilleure.

Merci de votre attention.

Etude économique de la France 2011
 


 

Lien de OECD

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