ACTUALITEComment construire la croissance en France? - OCDE

Comment construire la croissance en France? – OCDE

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Remarques d’Angel Gurría, Secrétaire général de l’OCDE
Assemblée Nationale,
Paris, le 21 Février 2013

 
Président Bartolone, Monsieur Vittori, Mesdames, Messieurs,

C’est un grand plaisir pour moi d’ouvrir cette table-ronde sur comment construire la croissance en France. Depuis l’élection du Président Hollande, nous avons en effet étroitement travaillé avec le gouvernement sur la façon de renforcer la compétitivité française. Nous en avons d’ailleurs discuté avec le Président, le Premier Ministre et les ministres concernés, y compris Messieurs Moscovici, Sapin et Peillon, tout comme Mesdames Lebranchu et Touraine. Et nous avons produit deux documents de synthèse, l’un en juin sur « Promouvoir la croissance et la cohésion sociale », l’autre en Octobre pour le Président sur « Redresser la Compétitivité ». Cette table ronde nous donne l’occasion d’approfondir cette discussion avec des législateurs et d’éminents chercheurs. J’en suis ravi.  

Le manque de compétitivité des entreprises françaises est en effet devenu, à juste titre, une question prioritaire pour les responsables français. La France possède certes des atouts majeurs, une démographie dynamique, des infrastructures et des services publics de grande qualité, ainsi qu’une position de leader dans des secteurs stratégiques. Elle a aussi l’une des productivités horaires les plus élevées de l’OCDE. Mais sa compétitivité-coût relative s’est détériorée, du fait notamment du recul prononcé du nombre d’heures travaillées. La France a ainsi vu son PIB par habitant croître bien moins vite depuis 20 ans que dans les pays de l’OCDE les plus riches.

La France doit donc poursuivre, approfondir et élargir les réformes structurelles déjà engagées. Elle n’est certes pas la seule, mais sa place centrale dans la construction européenne lui donne une responsabilité particulière en la matière. Ses perspectives économiques sont fortement conditionnées non seulement à la réduction des dépenses publiques inefficaces, comme cela l’a été rappelé fortement par la Cours des Comptes, mais aussi par la mise en œuvre de réformes structurelles larges et ambitieuses.
Ces réformes doivent couvrir la concurrence et le marché du travail, mais aussi l’innovation et la recherche, l’éducation, la formation professionnelle et la politique fiscale, tout comme l’efficacité du secteur public. Il faut agir sur tous ces fronts.

La publication « Objectif Croissance », présentée à la réunion du G20 à Moscou la semaine dernière, le montre clairement : à défaut, la croissance restera morose, et en-deçà du niveau nécessaire à une réduction des inégalités et un redressement des comptes publics. Le calendrier politique actuel offre une occasion unique de poursuivre une telle stratégie ambitieuse. Les mesures déjà prises par le gouvernement vont tout à fait dans le bon sens, que cela soit le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, que l’accord entre partenaires sociaux sur le marché du travail. Nous les saluons et encourageons fortement à leur mise en œuvre sans délai.

Mais il faut aller plus loin pour réduire effectivement la dualité du marché du travail. Sa segmentation actuelle fait en effet peser sur les plus fragiles les ajustements nécessaires pour s’adapter à la concurrence mondiale. De même, le coût élevé du travail au niveau des bas salaires pèse particulièrement sur les jeunes et les moins qualifiés. Les réformes en cours devraient aboutir à plus de compétitivité et plus d’équité. Elles doivent être complétées par une réforme de l’indemnisation du chômage et des politiques d’activation renforcées.

Cependant le coût et la flexibilité du travail ne constituent pas l’alpha et l’oméga de la compétitivité en France. D’autres réformes cruciales restent à entreprendre.

La levée des obstacles à la concurrence permettrait notamment d’élever le revenu national dans des proportions importantes. Selon certains, un assouplissement de la réglementation dans les services pourrait ainsi accroître le PIB d’environ 5% en dix ans.
Les efforts nationaux en matière de recherche et développement tout comme d’innovation restent également trop faibles, déséquilibrés et insuffisamment efficaces. Il faut poursuivre la réforme des universités et de la recherche publique, renforcer les pôles de compétitivité, poursuivre la politique d’encouragement à l’entreprenariat innovant… et enfin mieux coordonner et évaluer l’action publique en matière de recherche et d’innovation.

Et l’un des chantiers essentiels reste la réforme du système éducatif. Il s’agit d’en renforcer l’efficacité et l’équité. La France a une performance PISA moyenne parmi ses pairs de l’OCDE, mais la dispersion des résultats est forte et l’impact du milieu socio-économique reste très, et trop, élevé. Il faut lutter contre l’échec scolaire, limiter les redoublements et développer le suivi individuel des élèves en difficulté. Ceci serait facilité notamment par l’amélioration de la formation des maîtres et des professeurs du secondaire, et par un renforcement des incitations à travailler dans les zones défavorisées. Nous allons en discuter en profondeur lors d’un séminaire avec le Ministre de l’Education en Mars.

Renforcer la formation professionnelle et continue, tout comme l’apprentissage est également crucial, tout comme une mise à plat de leurs circuits de financement. Cela réduirait le creusement des inégalités liées à l’obsolescence des qualifications ou au décrochage scolaire, et améliorerait l’offre de compétences. Cela faciliterait donc l’insertion des jeunes sur le marché du travail ou la mobilité des moins jeunes.

La France doit en effet s’attacher à améliorer la situation de ses jeunes fortement touchés par la crise. Il est urgent de réduire l’intensité de la pauvreté chez les moins de 25 ans, et cela nécessite des réformes de grande ampleur. Il faudrait par exemple remplacer les nombreux programmes de soutien existants par une extension du revenu minimum aux jeunes adultes, accompagné d’une obligation effective de se former et de rechercher un emploi. Il est également nécessaire de mieux coordonner les services publics de l’emploi comme les fonctions d’orientation pour faciliter leur insertion professionnelle.

Il s’agit ainsi de faire évoluer le fameux « modèle social français », pour le rendre plus performant, mieux ciblé et plus efficace à soutenir ceux qui en ont le plus besoin. La cohésion sociale est en jeu… Ceci tout en réduisant les dépenses publiques, une nécessité enfin reconnue par tous. La France présente en effet l’un des niveaux de prélèvements obligatoires les plus élevés de l’OCDE. Les marges de manœuvre sont donc du côté de la dépense, également parmi les plus élevées, et qui a atteint un record historique en 2011, à 56% du PIB.

Le gouvernement a certes démontré sa détermination en matière de consolidation budgétaire. Il a également renforcé la crédibilité du cadre fiscal grâce à la création du Haut Conseil des finances publiques. Cependant, il semble que l’objectif ambitieux de réduire le déficit public à 3% du PIB en 2013 soit maintenant inatteignable, notamment du fait de perspectives de croissances moins bonnes qu’espérées. Selon nos prévisions, le PIB réel ne progresserait en effet que de 0.1 % en 2013 et de 1.3 % en 2014, ce qui amènerait le déficit à 3.45% du PIB en 2013, et enfin à 3% en 2014. Les efforts doivent donc se poursuivre, tout en laissant les stabilisateurs automatiques jouer pleinement.

Pour diminuer la dépense, il est essentiel de simplifier le « mille-feuille » administratif et d’étendre les efforts d’efficacité du secteur public à tous les échelons de l’administration. Les pistes fournies par la Cour des Comptes sont nombreuses, et nous les approuvons. Des économies significatives pourraient également être faites en matière de dépenses de santé, sans remettre en cause la qualité des soins. Ceci est possible, en améliorant notamment la pertinence des actes et en renforçant l’utilisation de médicaments génériques.

La structure fiscale pourrait enfin être rééquilibrée. La taille, la complexité et l’instabilité du système de prélèvements et de transferts nécessitent une simplification profonde. Il s’agit d’en améliorer l’efficacité tout comme l’équité, en élargissant les bases d’imposition, en diminuant les cotisations sociales, en augmentant les taxes environnementales et celles liées à la propriété, et en éliminant les niches fiscales coûteuses et inefficaces.

Mesdames, Messieurs,
La France doit ainsi continuer à se battre pour renforcer sa compétitivité. Cela est le seul garant d’un retour durable à la croissance, d’un recul du chômage et des inégalités, et d’un redressement des comptes publics et extérieurs. Cela lui permettra de bénéficier au mieux de la mondialisation, tout en préservant ses atouts et les éléments essentiels de son modèle social. Cela lui donne enfin l’occasion de verdir son économie.  

Le gouvernement a imprimé une forte impulsion aux réformes et engrangé quelques succès significatifs à bien des égards. Il doit maintenant non seulement maintenir le cap, mais encore approfondir les réformes tout en assurant leur mise en œuvre effective. Cela requiert courage, constance et énergie.

L’OCDE se tient à sa disposition pour fournir des analyses comparatives et partager l’expérience accumulée de ses pays membres. J’espère que notre débat aujourd’hui y contribuera, tout comme notre prochaine Etude Economique qui sera publiée dans quelques semaines.
Merci !


 


 

Lien de OECD

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