Cette estimation du déséquilibre est une approche assez novatrice, qui permet de compléter et surtout de dépasser les limites de l’approche consistant à comparer niveaux de diplômes et niveaux de qualification des emplois. Les approches trop adéquationnistes sont effectivement peu pertinentes pour de nombreux métiers, car elles ne reflètent pas la réalité du fonctionnement du marché du travail.
Identifier des écarts à partir de la maille de la compétence est donc plus pertinent, c’est ce qu’attendent aujourd’hui la plupart des acteurs qui ont la responsabilité de décider du contenu et des calibrages de l’offre de formation. Mais il ne faut pas oublier qu’il existe des « déséquilibres locaux », et qu’une compétence qui peut être en surplus ou en déficit au niveau national ne l’est pas nécessairement au niveau local, en raison de nombreux facteurs (structure de l’activité locale, attractivité du métier ou du secteur, qualités spécifiques attendues par un employeur, etc.).
Il est donc nécessaire de poursuivre et approfondir le diagnostic des besoins du marché du travail par une « approche compétences », l’initiative de l’OCDE nous y encourage. Les profondes transformations que nous vivons aujourd’hui nous y obligent ; elles nous obligent également à mieux coordonner et renouveler nos moyens d’observation et d’anticipation de ces besoins en compétences.
C’est l’une des nombreuses recommandations formulées par l’OCDE dans la dernière partie de son rapport : « la réussite des mesures adoptées pour s’attaquer aux déséquilibres en matière de compétences dépend essentiellement des informations disponibles sur les pénuries et les excédents ». Or, de très nombreux travaux existent, mais leurs résultats ne sont pas centralisés, et donc très peu lisibles pour les décideurs de l’EFOP. Le rapport recommande donc de « faciliter ce partage des connaissances au moyen d’une plateforme de coordination. Le Réseau Emplois Compétences pourrait être renforcé pour assumer cette responsabilité ».
Le niveau de compétences des adultes et des enfants, évalué à partir des enquêtes PIAAC et PISA, est jugé insuffisant et fortement marqué par l’origine socioéconomique des individus. Pour lutter contre les inégalités et augmenter le niveau de compétences, le rapport préconise de développer l’accès à la formation continue via notamment le Compte personnel de formation (CPF). « La France pourrait augmenter l’utilisation de la formation continue, notamment au moyen du CPF, en proposant des services d’aide plus performants ». Le rapport souligne aussi l’enjeu de l’acquisition tout au long de la vie, et dès la formation initiale, des compétences transversales – compétences de base et soft skills, pour lever les obstacles à la progression de carrière ou à la reconversion. Il souligne aussi que la mise en lumière plus récente de ces soft skills ne doit pas faire oublier toute l’importance de développer et d’acquérir des compétences « dures » ou techniques, spécifiques à des métiers ou des situations professionnelles données.
De nombreux commentaires et réflexions ont suivi la présentation du rapport. Les compétences et leur certification sont des repères majeurs sur le marché du travail. Or les récentes réformes en France mettent beaucoup l’accent sur la responsabilité des individus dans l’acquisition et le signalement des compétences. Il faut aussi rappeler que les employeurs ont un rôle central à jouer à travers la formation des individus, et l’expression de leurs besoins en compétences.
Le rôle de l’entreprise est d’autant plus déterminant que les transitions actuelles, qui engendrent des évolutions rapides du contenu des métiers, repositionnent le lieu de travail comme un espace essentiel d’acquisition des compétences. Les expérimentations menées autour de la Formation en situation de travail (FEST), les dispositifs de Validation des acquis de l’expérience (VAE) sont particulièrement pertinentes et repositionnent clairement l’entreprise dans le processus d’acquisition et de transmission des compétences aux salariés. L’étude de l’OCDE appelle ainsi à poursuivre les recherches pour comparer par exemple les rendements de la formation formelle et informelle.
L’étude et les débats qui ont suivi sont loin d’avoir épuisé les questions qui restent encore pleinement ouvertes ; entre les compétences, les aptitudes, les connaissances, quels termes sont les plus appropriés ? Pour un acteur opérationnel de l’accompagnement, pour un statisticien, quelle est la bonne maille à utiliser ? Comment concrètement rendre lisibles les multiples initiatives qui cherchent à mieux rapprocher l’offre et la demande de compétences, pour partager les pratiques, comme le recommande le rapport de l’OCDE ?
Les experts de l’OCDE nous invitent à explorer les initiatives proposées par d’autres pays, citant par exemple le cas de la Suède qui a mis en place un système de coordination des acteurs entre les échelons local, régional et national.
En partenariat avec :
Lien de OECD