Un juge a accordé un sursis à une Américaine qui devait devenir mardi la première femme à être exécutée par les autorités fédérales depuis 70 ans, dans l’un des derniers actes inédits de la présidence de Donald Trump.
Détenue dans un pénitencier fédéral à Terre-Haute dans l’Indiana, Lisa Montgomery, 52 ans, devait recevoir une injection létale mardi soir, seize ans après avoir tué une femme enceinte afin de lui voler son foetus.
Mais le juge James Hanlon du district Sud de l’Indiana a ordonné lundi de surseoir à son exécution.
Les avocats de la condamnée ont fait valoir que Lisa Montgomery n’était pas dans un état mental compatible avec son exécution. Elle souffre de troubles mentaux en raison de viols en réunion et de violences subis dans son enfance.
« Les informations présentées à la Cour contiennent de nombreuses preuves que l’état mental actuel de Mme Montgomery est si éloigné de la réalité qu’elle ne peut pas comprendre rationnellement le motif du gouvernement pour son exécution », a écrit le juge dans sa décision.
Le juge a indiqué que le tribunal fixerait une date pour une audience ultérieure destinée à évaluer son état mental.
En 2004, incapable d’avoir un nouvel enfant, Lisa Montgomery avait repéré sa victime, une éleveuse de chiens, sur internet et s’était présentée à son domicile dans le Missouri sous prétexte de lui acheter un terrier.
A la place, elle l’avait étranglée, lui avait ouvert l’utérus, avait pris le bébé — qui a survécu — et avait abandonnée la jeune femme baignant dans une mare de sang.
Sans nier la gravité de son crime, ses défenseurs ont adressé la semaine dernière une demande de clémence au président républicain.
Lisa Montgomery souffre de troubles mentaux en raison de viols en réunion et de violences subis dans son enfance, ont-ils souligné, en lui demandant de commuer sa peine en rétention à perpétuité.
Fervent partisan de la peine capitale, comme ses électeurs les plus conservateurs, le milliardaire républicain n’a jusqu’ici pas donné suite à leur requête.
Course folle
Malgré le recul de la peine capitale aux Etats-Unis et dans le monde, son administration a renoué en juillet, après 17 ans de pause, avec les exécutions fédérales et les enchaîne depuis à un rythme jamais vu.
Dix Américains ont reçu depuis l’été des injections létales à Terre-Haute et le gouvernement prévoit, après Mme Montgomery, d’exécuter deux hommes noirs cette semaine.
« Dans les dernières heures de la présidence Trump, il y a une course folle pour exécuter des gens qui sont dans les couloirs de la mort depuis des années voire des décennies. C’est insensé », a dénoncé lundi sur la radio NPR le sénateur démocrate Dick Durbin, en annonçant l’introduction d’une loi visant à mettre un terme aux exécutions fédérales.
D’anciens gardiens du pénitencier de Terre-Haute ont de leur côté écrit au ministre de la Justice par intérim, Jeffrey Rosen, pour lui demander de reporter ces exécutions « jusqu’à ce que le personnel pénitencier soit vacciné contre le Covid-19 ».
Entre les bourreaux, les gardiens, les témoins, les avocats… une exécution mobilise en effet des dizaines de personnes dans un environnement clos, propice à la propagation du virus. Pour cette raison, les Etats américains, y compris le très répressif Texas, ont suspendu les exécutions depuis des mois.
A contre-courant, le gouvernement de Donald Trump a au contraire affiché sa détermination à procéder au plus vite, avant qu’il ne quitte le pouvoir.
« L’odeur de la sueur »
En novembre, des avocats de Lisa Montgomery ayant été testés positifs au Covid-19, la justice avait interdit de l’exécuter en 2020. Alors que le moindre report prend d’ordinaire plusieurs semaines, l’administration avait rapidement fixé une nouvelle date, dès le 12 janvier.
Un juge avait estimé la manoeuvre précipitée et annulé cette date, mais le ministère de la Justice a fait appel et gagné.
Dans un communiqué cinglant, Helen Prejean, une religieuse catholique connue pour son combat contre la peine capitale, s’est adressée ce week-end aux juristes qui ont « travaillé jour et nuit » pour contrer les recours des condamnés fédéraux ces derniers mois.
« Vous ne sentez peut-être pas l’odeur de la sueur dans la chambre d’exécution » mais vous en êtes responsables au même titre que les bourreaux, leur a-t-elle écrit, en les appelant à « dire non à l’exécution d’une femme et de deux hommes à une semaine de la prestation de serment » de Joe Biden.
Le démocrate, qui doit être investi le 20 janvier, est opposé à la peine de mort et a promis de travailler avec le Congrès, désormais contrôlé par son parti, pour tenter de la supprimer au niveau fédéral.
Si les avocats de Mme Montgomery, qui ont introduit d’ultimes recours, parviennent à obtenir un nouveau sursis, elle pourrait donc échapper à toute exécution.
Source AFP