La Marche Verte,un instrument spécifique au règlement pacifique du conflit Saharien
Pour confirmer sa volonté de récupérer ses provinces du Sahara, et pousser l’Espagne à entamer des négociations pour se retirer de ces territoires, Feu Hassan II avait déclaré dans le cadre d’un discours adressé au peuple, en date du 16 octobre 1975 -suite à la prononciation de l’avis consultatif de la Cour Internationale de Justice (CIJ)-, qu’il allait accomplir son devoir de Commandeur des Croyants et Serviteur fidèle de la Nation en rejoignant ses sujets au Sahara tant que leur Beïa (allégeance) lui était témoignée. Il a ainsi annoncé qu’il envisageait d’organiser une Marche Verte à laquelle participeront 350000 volontaires de toutes les provinces du Royaume afin de renouer avec leurs compatriotes du sud marocain.
Suite à cet événement majeur, l’affaire du Sahara marocain a connu, sur le plan diplomatique, des développements importants. La pression de la Marche Verte a conduit en effet à la conclusion de l’accord de Madrid entre le Maroc, l’Espagne et la Mauritanie le 14 novembre 1975, accord qui a été entériné par le parlement espagnol le 20 novembre de la même année. Cet accord est positif au plus haut degré, dans la mesure où il a mis un terme au colonialisme espagnol au Sahara marocain et a permis le retrait des derniers fonctionnaires et soldats espagnols le 28 février 1976, pour que le Sahara marocain retourne de manière définitive à la mère patrie à laquelle il est lié depuis plusieurs siècles. Cet accord a été conclu sans effusion de sang, car il a ouvert des perspectives nouvelles pour la paix et la coopération entre les peuples, et a évité tout affrontement militaire entre le Maroc et l’Algérie. Pour cela, cet accord a œuvré pour la préservation et le renforcement de la paix et la sécurité dans la région, conformément aux principes stipulés par la Charte des Nations Unies.
I. Le rôle de la Marche Verte dans la fin de l’occupation espagnole
La Marche Verte a constitué, en vérité, une manifestation exceptionnelle du génie marocain. D’une part, elle est intervenue en parfaite compatibilité avec la Charte des Nations Unies, laquelle recommande la résolution des différends internationaux par les voies pacifiques, afin que la paix, la sécurité et la justice internationales ne soient pas menacées; ce qui a poussé le Maroc à éviter tout affrontement militaire avec l’Espagne. D’autre part, elle s’est démarquée par l’aspect maîtrisé qui a accompagné cette marée humaine (350 000 volontaires) dans l’une des extraordinaires marches pacifiques.
La portée de la Marche Verte est plus profonde que celle des voies pacifiques usuelles. Elle constitue la plus forte preuve des liens d’allégeance existant entre le Roi et le peuple marocain, et une préservation de la pratique d’allégeance enracinée dans les traditions historiques au Maroc. Il s’agit donc d’une démarche dont nul ne conteste l’efficacité et la viabilité objective lors du franchissement des frontières fictives, fruit du colonialisme dont le Sahara marocain a souffert de l’encerclement et en resté prisonnier. Tout cela fait de la Marche Verte un acquis positif incontestable d’un point de vue juridique, acquis consolidé avec l’intégration du Sahara au sein de la patrie.
La décision d’organiser la Marche Verte a créé une situation nouvelle et inattendue. Elle a pris à contre-pieds tous les calculs de la force occupante, et l’a surprise, de sorte qu’elle est devenue impuissante à affronter la situation. Cette décision a été une invention sui generis dans la résolution des différends récalcitrants, par les voies pacifiques. La Marche Verte, qui a mobilisé 350 000 citoyens marocains, a incarné la détermination du Maroc et sa disposition à se mobiliser rapidement pour s’engager dans la lutte pour la libération de ses terres colonisées et ce, par les voies pacifiques. La Marche Verte populaire est venue comme une démarche unique, en mesure d’exercer une pression directe sur l’occupant. Elle a donc été une initiative rapide, ayant déstabilisé tous les calculs qui pronostiquaient sur une impuissance marocaine absolue, et tablaient sereinement sur l’instauration, au Sahara, d’un « micro Etat sahraoui inféodé ».
Le choix du Maroc pour l’organisation d’une marche pacifique en vue du rétablissement d’un droit légitime, au moment où régnaient la violence et le terrorisme, contient en son sein les plus nobles principes de paix, de liberté et de justice. La Marche Verte est venue pour confirmer l’approche pacifique du Royaume du Maroc, et sa vocation à résoudre les conflits par des modes non violents, conformément aux principes de la Charte des Nations Unies, en particulier le chapitre VI relatif au « Règlement pacifique des différends ».
La Marche Verte prend sa signification et son importance, non seulement en raison de son organisation maîtrisée, ou encore de sa signification politique profonde, mais aussi de cette ferveur nationale qui a découlé de toutes les provinces du Maroc. Elle s’est articulée sur l’unité nationale et la ferveur islamique qui constituent, par nature, deux éléments imbriqués, ce qui fait d’elle un moment d’expression populaire, qui inspire son épopée de la foi musulmane. Elle a été aussi un moyen de pression sur la partie espagnole.
Sur le plan africain, le Soudan a appuyé la légitimité de la cause marocaine. De même pour l’Ouganda, le Sénégal et le Gabon dont le Président, Hadj Omar Bongo, a déclaré qu’au moment où le peuple marocain entamerait sa marche pacifique vers le Sahara, il sera organisé en parallèle, à la capitale gabonaise Libreville, une autre marche de soutien, de solidarité et de fraternité avec le peuple marocain. C’est la même réaction qui a été exprimée par la plupart des pays africains. De manière générale, la décision d’associer le peuple pour la conduite de cette marche est un acte qui rend l’événement inédit; ce qui explique que cette Marche est l’affaire de tous et la responsabilité de tout un chacun. Aucun citoyen ne peut faillir à ce principe, car la libération du Sahara est la première condition qui détermine le visage du nationalisme. C’est aussi l’une des conditions de la loyauté et de la fidélité au principe de l’intégrité territoriale.
De ce fait, la profondeur philosophique de cet événement, n’exprime pas seulement la capacité du peuple et son rôle dans les actions nationales de par l’histoire, mais constitue également un témoignage pour les générations futures. Un témoignage traduisant la portée qui caractérise la vision nationale d’un de ses leaders. Ainsi, la décision a contenu tous les éléments qui la mettent dans le carré du référendum, avec les conditions historiques, car c’est un acte patriotique, démocratique et islamique. Elle constitue de surcroît un acte de paix qui traduit une vision sur le long terme. De ce fait, la Marche Verte est le produit combiné du peuple et du Roi, un pacte pour le parachèvement de l’intégrité territoriale du pays, par le biais d’une décision qui garantit tous les éléments qui ramènent cet événement à sa juste valeur nationale, démocratique et religieuse, le rendant effectivement un fait du passé et de l’avenir.
Par ailleurs, la Marche Verte a mis en avant un principe nouveau dans les relations internationales, qui consiste à rendre la communauté internationale responsable, à part entière, du maintien de la sécurité et la paix dans une région importante du monde. En effet, le procédé apporté par le projet de la Marche Verte implique l’association de la Communauté Internationale dans la prise de cette décision. Le Maroc s’est mobilisé, avant l’annonce de l’organisation de cette Marche historique, à plusieurs niveaux, politique et juridique, local et international.
Il convient de signaler qu’avant le déclenchement de la Marche Verte, à moins 48 heures, et dans le paroxysme de la crise, le Gouvernement marocain a annoncé que Monsieur Khatri Ould Saïd El Joumani -chef de la Djemâa (communauté) sahraouie, membre du parlement espagnol et l’une des hautes personnalités qui dirigeaient la lutte des Sahraouis- était venu au Maroc pour renouveler son allégeance à Feu le Roi Hassan II qui lui a déclaré son pardon pour tous ceux qui n’ont pas prêté le serment d’allégeance au Sahara.
La décision de la Marche Verte exprimait une idée caractérisée par l’authenticité, l’originalité et la justesse; ce qui a conduit à faire pencher l’équilibre, au sein du Conseil de Sécurité, au profit de la position marocaine. Le Conseil de Sécurité n’a jamais, en effet, pris de décision rejetant l’opération marocaine même si le Maroc avait refusé de répondre à la demande d’arrêter la Marche. De même, les décisions du Conseil de Sécurité ont fait appel à toutes les parties pour collaborer avec le Secrétaire Général des Nations Unies. Et conformément aux principes de la Charte des Nations Unies, notamment l’article 33 qui invite les parties à tout différend au règlement pacifique, y compris par les voies diplomatiques, le Maroc a ordonné l’arrêt de l’avancée de la Marche Verte afin d’ouvrir le champ aux négociations qui ont eu lieu à Madrid entre le Maroc et l’Espagne, en présence d’une délégation mauritanienne. Cette rencontre s’est achevée par la signature de l’accord tripartite de Madrid qui a prévu une phase transitoire, stipulant la mise en place d’une administration tripartite pour une durée de trois mois, suivie du transfert du pouvoir dans le respect de l’avis des habitants sahraouis exprimé par la Djemâa.
II. Les dimensions diplomatiques de la Marche Verte et l’Accord de Madrid.
Avec le départ de la Marche Verte, le Conseil de Sécurité a adopté, le 6 novembre 1975, la résolution 380, dans laquelle il a mentionné la question des négociations entre les parties concernées par l’affaire du Sahara conformément à l’article 33 de la Charte des Nations Unies (chap. VI relatif au règlement pacifique des différends). Ainsi, cette résolution a situé le dossier du Sahara dans le contexte des années 1965, lorsque le Maroc revendiquait son territoire.
L’Assemblée Générale a recommandé alors à l’Espagne et au Maroc de recourir aux négociations pour la liquidation du colonialisme dans cette région.
Après d’intenses contacts entre Madrid et Rabat, l’Espagne a accepté en fin de compte le retour au point de départ pour rattraper ce que l’atmosphère politique avait altéré, en entrant en négociations que le Maroc a tant demandées comme moyen adapté, dès le départ, pour la revendication de son indépendance et le parachèvement de sa souveraineté sur ses territoires colonisés; ce qui est conforme aux principes onusiens relatifs au règlement pacifique des différends.
La Mauritanie a aussi accepté le principe de négociation, ce qui a conduit à des évolutions dans la région, notamment des actions diplomatiques intenses entre l’Espagne, le Maroc et la Mauritanie.
Mais l’impact du déclenchement de la Marche Verte, et l’introduction des participants à l’intérieur du Sahara dans un périmètre de 15 kilomètres, ont conduit, finalement, au rétablissement de l’équilibre dans la position de l’Espagne au profit du Maroc. En effet, le 8 novembre 1975, le ministre espagnol en charge de la question du Sahara, M. Antonio Caro Martinez, s’est dirigé vers Agadir, où il a rencontré le Roi et a eu des entretiens avec le premier ministre et le ministre des affaires étrangères. Il a été convenu de revenir de nouveau à la table des négociations, engagées après l’annonce de la tenue de la Marche Verte qui avait poussé les Nations Unies à inviter les parties au conflit à recourir aux négociations.
Afin que le processus de négociation puisse atteindre ses objectifs, sur la base de l’équilibre, et sans aucun moyen de pression, feu le Roi Hassan II a demandé aux participants à la Marche Verte de revenir à la ville de Tarfaya. Dans le discours royal du 9 novembre 1975, il a dit : « … Revenons à notre principe de base, pour que l’on puisse construire, des relations de respect mutuel, de déférence préservée entre nous et l’Espagne… Nous voulons la construire sur une nouvelle base importante, à savoir qu’il ne saurait y avoir ni vainqueur ni vaincu ».
Le retour de l’Espagne à la reprise des négociations avec le Maroc a été conditionné par l’absence de la pression découlant de la présence marocaine du fait de la Marche Verte. Ainsi, le retour à Tarfaya avait un aspect provisoire, c’est-à-dire en attendant de parvenir à une solution pacifique. Sous réserve que les participants à la marche reprennent la marche en cas d’échec des négociations.
Le 11 novembre de la même année, une délégation marocaine présidée par le premier ministre, Monsieur Ahmed Osman, s’est rendue en Espagne. Elle a été rejointe par une délégation mauritanienne présidée par le ministre des affaires étrangères, Ahmadi Oueld Meknes. Des pourparlers entre les négociateurs se sont déroulés durant trois jours au terme desquels ils ont été reçus, le 14 novembre 1975, par le Prince héritier Juan Carlos. Après qu’il eût pris connaissance de leurs travaux et les ait approuvés, un communiqué conjoint a été publié, annonçant que les négociations tripartites ont abouti à des résultats satisfaisants, répondant à la ferme volonté des parties pour le compromis, en vue de la contribution à la préservation de la paix et la sécurité internationales. Ainsi a été conclu l’accord tripartite de Madrid, le 14 novembre 1975, qui prévoyait la création d’une administration transitoire tripartite, destinée à superviser l’administration du territoire, jusqu’au retrait définitif espagnol, le 28 novembre 1976. L’accord a en outre prévu l’organisation d’une consultation de la population sur le contenu dudit accord, par l’intermédiaire de la Djemâa qui les représente. L’accord de Madrid a été conclu conformément aux principes de la Charte des Nations Unies, notamment l’article 33 qui prévoit le recours aux négociations comme première voie de règlement pacifique des différends internationaux.
Les dispositions de l’accord de Madrid sont sans ambiguïté pour ce qui concerne le retrait de l’occupation espagnole et le transfert de la souveraineté au Royaume du Maroc. Cet aspect revêt une dimension juridique, car il s’inscrit dans la continuité des résolutions des Nations Unies et de l’Organisation de l’Unité Africaine, dans la mesure où il est un contentieux juridique bilatéral maroco-espagnol, et a été une réponse aux résolutions du Conseil de Sécurité qui invitaient les parties à recourir aux négociations conformément à l’article 33 de la Charte des Nations Unies.
L’article 1 de l’accord de Madrid stipulait que l’Espagne réaffirme sa décision, annoncée à plusieurs reprises à l’ONU, de liquider le colonialisme sur le territoire du Sahara occidental, en mettant un terme aux responsabilités et aux pouvoirs qu’elle possédait dans ce territoire, en tant qu’Etat administrateur. L’article 2 prévoyait que l’administration espagnole allait quitter définitivement le territoire du Sahara avant le 28 février 1976.
La légitimité de l’accord de Madrid se manifeste au niveau de la définition de l’expression « partie concernée » par les négociations. De ce côté, l’accord de Madrid exprime la continuité des résolutions de l’ONU, résolutions qui n’étaient que le produit du contentieux bilatéral entre le Maroc et l’Espagne, relatif à la résolution de la question de la souveraineté sur le Sahara occidental et Ifni, jusqu’à 1969.
L’accord de Madrid a été explicite à travers une reconnaissance juridique espagnole du Maroc en tant que « partie concernée ». Cette reconnaissance constitue un retour à la solution objective et traduit l’abandon de la part de l’Espagne de sa stratégie coloniale pratiquée auparavant au sein des Nations Unies. Une rétrospective des résolutions des Nations Unies, démontre que les parties concernées par le litige de liquidation du colonialisme sont le Maroc et l’Espagne. Toutefois, quel est le statut de la Mauritanie dans l’accord de Madrid ?
L’article 2 de l’accord de Madrid prévoyait que, conformément à cette résolution (à savoir la liquidation du colonialisme au Sahara), et compte tenu des négociations que les Nations Unies ont amené les parties concernées à entreprendre, l’Espagne mette en place une administration transitoire au territoire, en association avec le Maroc et la Mauritanie.
Il ressort de ce texte que l’accord attribue à la Mauritanie la qualité de « partie concernée » dans ce conflit. Mais il ne faut pas omettre le côté politique de l’accord dans l’analyse de la situation particulière de la Mauritanie dans le conflit saharien, depuis son indépendance en 1960. Cet aspect se manifeste dans le contexte de la négociation et la signature de l’accord, et conformément à son article 5 qui stipule que « les trois parties contractantes sont parvenues à ce compromis… comme une contribution de leur part pour le maintien de la paix et la sécurité internationales… ». Cet article souligne l’équilibre des forces dans les dispositions de l’accord. En d’autres termes, si l’accord de Madrid a réglé le contentieux juridique maroco-espagnol, il a parallèlement réglé un différend politique maroco-mauritanien, et a créé un compromis politique bilatéral, lié au tracé des frontières entre le Maroc et la Mauritanie.
L’aboutissement à ce compromis s’était fait aux dépends de l’intégrité territoriale du Maroc, sur la partie sud du Sahara (province de Oued Eddahab). L’analyse objective de l’affaire du Sahara se limite à donner à la Mauritanie la qualité de « partie intéressée ».
De la même manière, la situation juridique de l’Algérie dans l’affaire du Sahara ne peut dépasser la qualité de « partie intéressée », du fait qu’elle n’a pas participé aux négociations et, partant, n’a pas signé l’accord de Madrid. La conjoncture politique qui a entouré la conclusion de l’accord en question était de nature à créer un compromis bilatéral maroco-algérien au même titre que le compromis maroco-mauritanien, s’il n’y avait d’opposition algérienne. Or, cette opposition a créé à la place de ce compromis, un conflit politique bilatéral maroco-algérien, dans lequel l’Algérie est devenue une « partie concernée » après la période de liquidation du colonialisme espagnol du Sahara marocain.
Par ailleurs, l’accord de Madrid, dans la mesure où il a mis un terme au colonialisme espagnol, a fixé directement le régime juridique du Sahara marocain. Il s’inscrit ainsi dans la continuité des résolutions des Nations Unies qui invitaient constamment l’Espagne à entreprendre des négociations afférentes à la résolution du problème de la souveraineté sur le territoire. Le fond du problème réside dans la bilatéralité du conflit (Maroc – Espagne). Son règlement passe par la tenue de négociations maroco-espagnoles qui aboutissent, à leur tour, à la résolution du problème de souveraineté. La justification de cette interprétation se trouve dans la multiplicité des instruments à travers lesquels les pouvoirs peuvent être transférés. Ce transfert varie entre l’application d’un référendum d’autodétermination dans le cas d’un accord entre les parties intéressées par le conflit, et entre le transfert direct sans le recours aux techniques d’autodétermination comme cela a été le cas dans la résolution de l’affaire de la ville d’Ifni. Pour autant, l’aspect politique du principe d’autodétermination dans le conflit maroco-espagnol, en particulier pour la région du Sahara marocain, ne peut être occulté.
Parmi les points essentiels apportés par l’accord de Madrid, celui du respect de l’avis des habitants du Sahara exprimé à partir de la Djemâa (article 3 de l’accord) ; ce qui nous pousse à examiner la signification et les aspects sous-jacents de cette consultation. Mais l’on ne doit pas oublier que l’Espagne avait, au sein de la Djemâa, des membres qui lui étaient partisans. De même, la seule issue qui restait pour l’Espagne, est qu’il soit mentionné dans l’accord tripartite que soit respecté l’avis de la Djemâa. Par ailleurs, le Maroc a, lui aussi, trouvé dans le respect de l’avis de la Djemâa un point positif auprès des habitants du Sahara, étant donné la présence de la Mauritanie dans les négociations.
Il convient de noter que le parlement espagnol a approuvé, le 19 novembre 1975, l’accord de Madrid ainsi que le décret royal qui a autorisé le Gouvernement à rétrocéder au Maroc le territoire du Sahara. Ce décret comprend un paragraphe important au vu de ce que demandait le Maroc depuis vingt ans. Il est stipulé en effet dans ce paragraphe : « Le Sahara n’était jamais une partie du Royaume d’Espagne »; ce qui constituait une reconnaissance expresse de la part du gouvernement espagnol, et donc une infirmation de ce qu’elle prétendait au départ. Il devenait ainsi clair que le Maroc était dans son droit de réclamer la récupération de son territoire saharien. Il convient aussi de souligner que l’accord de Madrid a pris en considération l’autodétermination de la population sahraouie, à travers la Beïa de la Djemââ qui exerçait un pouvoir effectif pour tout ce qui concerne les affaires sahariennes. Il a été dit dans la Lettre adressée à feu Hassan II par le chef de la Djemâa sahraouie, que cette dernière, en exprimant sa quiétude et son soutien absolu au retour des choses à leur cours normal et historique, et à la rétrocession de la terre à ses propriétaires, elle exprimait en fait l’avis de toutes les catégories sahraouies et toutes les tribus qui sont, en fait, leurs vrais représentants légitimes. Il n’est point douteux que la forme avec laquelle le colonialisme a été liquidé au Sahara répond aux aspirations et aux souhaits des habitants, constituant ainsi une contribution efficace à l’instauration de la sécurité dans la région. En application de l’article 3 de l’accord de Madrid, la Djemâa sahraouie a tenu, le 26 février 1976, à Laâyoune, une audience extraordinaire ayant approuvé, à l’unanimité des membres présents, la liquidation du colonialisme au Sahara marocain et le retour de celui-ci à la mère patrie, compte tenu de la réalité et des liens d’allégeance.
Cela a conduit feu Hassan II à estimer que l’autodétermination au Sahara, pour le Maroc, a été accomplie du moment où la Djemâa sahraouie est venue prêter le serment d’allégeance.
Ainsi, l’accord de Madrid a permis de mettre un terme à une situation donnée. Il a ouvert la voie à une autre situation, qui implique pour le Maroc le passage de la position de revendication de son Sahara à une position de défense de celui-ci. Cet accord a en effet engendré une situation nouvelle au plan du débat à l’intérieur de l’Assemblée Générale des Nations Unies. Cette dernière s’est habituée à discuter le dossier du Sahara dans le cadre de l’affrontement classique entre les forces de libération au Tiers Monde et les empires coloniaux. Mais dans le cadre de la situation nouvelle, l’accord précité a ouvert le champ pour une confrontation nouvelle entre le Maroc et la Mauritanie d’une part (qui considèrent que l’accord de Madrid est conforme aux normes de Droit international et aux résolutions des Nations Unies) et, d’autre part, l’Algérie qui s’opposait à cette tendance et insistait sur la nécessité de mettre en œuvre une procédure d’autodétermination des habitants du Sahara. De la sorte, elle a commencé à être considérée comme une partie concernée au plan géopolitique, dans la mesure où elle a des frontières avec le Sahara, et que la récupération par le Maroc de ses provinces du sud allait rompre l’équilibre des forces dans la région du Nord-Ouest de l’Afrique. Cette position a contribué à instituer et soutenir un mouvement séparatiste, le Polisario, pour contrer la récupération par le Maroc de ses territoires, dont la marocanité a été établie par des preuves se basant en premier lieu sur la réalité géographique, historique et dynastique, et ensuite sur les traité et conventions, y compris le Traité d’Algerisas conclu en 1906, et les communiqués conjoints maroco-français et maroco-espagnol signés en 1956. Tous ces instruments reconnaissent la souveraineté du Sultan et l’unité du Maroc, ainsi que l’intégrité de ses territoires nationaux. Les preuves du Maroc se fondent également sur plusieurs documents et instruments juridiques, politiques et administratifs, dont les dahirs de nomination, les correspondances royales, les taxes légales, et les voyages des sultans du Maroc aux tribus sahariennes du sud, en plus de la lutte des autochtones contre l’invasion étrangère, au nom du Sultan, telle que la lutte de Cheïkh Maa Al Aynayne contre le colonisateur par décret royal et en concertation avec le Sultan
Almouwatin Bxl-Média