Des dizaines de milliers de manifestants libanais ont réussi à former dimanche une chaîne humaine nord-sud à travers tout le pays pour symboliser la nouvelle unité nationale.
Les manifestants ont uni leurs efforts entre Tripoli et Tyr, une chaîne de 170 kilomètres traversant le principal centre de manifestation à Beyrouth, dans le cadre d’une mobilisation interconfessionnelle sans précédent.
La tension s’est accrue ces derniers jours entre les forces de sécurité et les manifestants, qui ont bloqué les routes et immobilisé le pays pour faire pression pour que leurs revendications concernant une refonte complète du système politique soient appliquées.
L’élite politique libanaise révoltée a défendu un ensemble tardif de réformes économiques et s’est montrée disposée à remanier le gouvernement, mais les manifestants qui sont restés dans la rue depuis le 17 octobre en veulent plus.
À pied, à vélo et à moto, des manifestants et des volontaires se sont rassemblés le long de la principale route nord-sud.
« Je peux confirmer que la chaîne humaine a été un succès », a déclaré à l’AFP Julie Tegho Bou Nassif, l’une des organisatrices.
« Tout est prêt, nous avons même des volontaires à moto qui nous aident à identifier les lacunes de la chaîne », a-t-elle déclaré.
« L’idée derrière cette chaîne humaine est de montrer l’image d’un Liban qui, du nord au sud, rejette toute affiliation sectaire », a déclaré à l’AFP le professeur d’histoire de 31 ans.
« Il n’y a pas de demande politique aujourd’hui, nous voulons seulement envoyer un message en nous tenant simplement la main sous le drapeau libanais ».
– ‘Une personne’ –
Sur le front de mer de Beyrouth, hommes, femmes et enfants se sont tenus la main, certains portant des drapeaux libanais et beaucoup chantant l’hymne national, a déclaré un photographe de l’AFP.
« L’idée est que, du nord au sud, nous sommes unis et prenons position », a déclaré un autre organisateur à Zeituna Bay, qui a demandé à être qualifié de « fille de Beyrouth ».
« Nous sommes un peuple et nous nous aimons », a-t-elle déclaré à l’AFP, entre deux réunions de coordination sur l’un de ses deux téléphones portables.
Sur la principale autoroute située au nord-est de Beyrouth, un autre photographe de l’AFP a vu des dizaines de personnes se promener le long d’un tronçon de route sous une colline rocheuse couverte de buissons.
Dans la ville de Tyr, dans le sud du pays, des manifestants alignés ont brandi les bords d’un long drapeau libanais, a révélé la télévision locale. Un jeune garçon a joué avec, le faisant bouger de haut en bas.
Les manifestations ont été remarquables par leur portée territoriale et l’absence de bannières politiques ou sectaires, dans un pays souvent défini par ses divisions.
Le mouvement de protestation sans chef, dirigé principalement par une jeune génération d’hommes et de femmes nés après la guerre civile de 1975 à 1990, a même été décrit par certains comme la naissance d’une identité civique libanaise.
L’armée a cherché à rouvrir les routes principales à travers le pays, où les écoles et les banques sont fermées depuis plus d’une semaine.
Lors de l’un des incidents les plus graves, l’armée a ouvert le feu vendredi pour confronter un groupe de manifestants bloquant une route à Tripoli, blessant au moins six personnes.
Mais le mouvement de protestation sans précédent a été relativement exempt d’incidents, malgré les tensions avec les forces armées et les tentatives des partisans de la loyauté pour organiser des contre-manifestations.
Les manifestants ont demandé la suppression de toute la classe dirigeante, qui est restée pratiquement inchangée depuis trois décennies.
Un grand nombre des poids lourds politiques sont d’anciens chefs de guerre considérés comme représentant peu de choses au-delà de leur propre communauté sectaire ou géographique.
– Bord de l’effondrement –
Les manifestants les considèrent comme corrompus et incompétents et ont jusqu’ici rejeté les mesures proposées par les dirigeants politiques pour apaiser les manifestations.
« Nous avons les mêmes responsables depuis 30 ans », a déclaré Elie, un manifestant âgé de 40 ans qui se promenait dans le centre de Beyrouth dimanche matin avec un drapeau libanais.
Le Premier ministre Saad Hariri a annoncé lundi un ensemble de réformes économiques visant à relancer une économie qui était au bord de l’effondrement depuis des mois.
Ses partenaires de la coalition ont soutenu le mouvement et ont averti qu’un vide politique en période de péril économique risquait de provoquer le chaos.
Mais les manifestants ont accusé l’élite politique de tenter désespérément de sauver leur emploi et ont maintenu leurs revendications en faveur d’un changement profond et systémique.
Dans une routine maintenant bien établie, des familles entières de volontaires sont arrivées tôt dimanche sur les principaux sites de manifestation pour se nettoyer après une nouvelle nuit de manifestations et de fêtes.
Après le crépuscule, la place centrale des Martyrs à Beyrouth et d’autres centres de manifestation au Liban se transforment en un vaste terrain découvert où les manifestants dansent, chantent ou organisent des réunions politiques.
Source AFP