La suite du sommet relatif à la liberté de culte qui a eu lieu au parlement européen le 2 avril 2019, j’ai pensé qu’il n’est pas inutile de faire parvenir dans la suite de ces lignes une proposition consistant en la création, d’abord à Bruxelles, ensuite à l’échelon international, des centres de ‘’Fait Religieux’’.
Le ‘’Fait Religieux’’
Le ‘’fait religieux’’ consiste en la globalisation et l’intégration de toutes les religions et de toutes les obédiences. Toutefois, force est de constater qu’en Europe qui est laïque en général et en Belgique qui est neutre, les programmes d’histoire sont portés plus sur les religions abrahamiques et le siècle des lumières que sur les autres religions de l’Antiquité, de l’Asie et de l’Afrique. Celles-ci ne font-elles pas partie du faisceau des phénomènes humains qu’il nous faut accepter et traiter sur un même pied d’égalité que les religions abrahamiques ?
Dans les pays européens, le ‘’Fait Religieux’’ peut signifier la séparation des Églises et de l’État. Toutefois, cela ne signifie pas, comme c’est le cas aux U.S.A, rendre les synagogues, les églises, les mosquées et autres temples, libres de toute emprise étatique, mais rendre l’État libre de toute emprise religieuse. Le ‘’Fait Religieux’’ ne constitue pas une sphère à part et ne fait pas l’objet d’une discipline en soi. Il n’a pas pour vocation de donner des cours de morale, et encore moins de réhabiliter ou de discréditer le religieux. Car pour tout esprit objectif, tous les phénomènes religieux portent à la fois l’ombre et la lumière : le licite et l’illicite, l’interdit et la permission de tuer, la trêve de Dieu et la guerre (guerre sainte, les croisades…), la fraternité et la ségrégation…
C’est pourquoi, les centres de ‘’Fait Religieux’’ peuvent aider à contribuer à la stricte égalité entre tous les croyants et les non-croyants, à distinguer sereinement les domaines de compétences, à l’autonomie du professeur par rapport à tout groupe de pression. Il peut aider à refroidir les passions relatives à des questions qui fâchent, comme le port des signes religieux et l’intrusion des familles et de l’actualité dans l’enceinte scolaire. Cependant, il s’en tient au religieux comme phénomène d’observation et de réflexion pouvant aider tout un chacun à démêler ce qui relève des connaissances communes et indispensables à tous d’une part, de ce qui relève du domaine des consciences, des familles et des traditions d’autre part. Cela peut aider aussi à faire comprendre aux élèves qu’il faut rendre à la culture ce qui est à la culture et au culte ce qui est au culte. De même, le ‘’Fait Religieux’’ veut dire que le théologien ou le ministre du culte, n’ont pas qualité à s’attribuer l’exclusivité de l’interprétation de tel ou tel fait, verset ou sourate sous prétexte qu’il faudrait être Juif, chrétien ou musulman pour pouvoir parler respectivement de la thora, des Évangiles, de la Bible et du Coran. Car à ce compte-là, seuls les professeurs libéraux pourraient parler d’Adam Smith et seuls les communistes de Karl Marx.
La notion de ‘’Fait Religieux’’ nous guide et nous oriente vers la vie concrète des hommes et les traces incontestables qu’ils nous ont laissées. Elle évite de disserter sur les religions comme sur des entités homogènes, fixes et définitives une fois pour toutes. Aussi y a-t-il des ‘’Faits’’ de croyance qui sont à cheval sur le matériel et sur le spirituel, sur le politique et sur l’imaginaire. Ils brouillent cette distribution des rôles qui contribuent à la stabilité objective ou subjective de certaines monarchies dans les pays arabo-musulmans, voire en Europe avec le cas du Royaume uni où Sa Majesté britannique est le chef suprême de l’Église anglicane…
Les centres de ‘’Fait Religieux’’ que nous proposons d’abord à Bruxelles ne seront pas un lieu de culte, car les religions se prêchent dans les églises, les synagogues, les mosquées, et autres temples. Ils seront plutôt un lieu de parole pour s’y exercer et un espace de la citoyenneté qui va inclure un sens de travail en commun, un échange en commun en intégrant tous les citoyens avec des relais ou des associations socioculturelles, des activités culturelles citoyennes, des mass médias, etc. Seule l’inter-culturalité pourra résoudre un tel problème. De même, soulignons que ces centres de ‘’Fait Religieux’’ ne seront pas non plus destinés à former des étudiants et des chercheurs. Ils seront ouverts pour tous les citoyens et représenteront un centre original où va se dessiner l’avenir de toutes les religions et de leur intégration dans les pays où ils vont être crées.
Pourquoi le centre de ‘’Fait Religieux’’ à Bruxelles d’abord ?
Bruxelles, capitale européenne où siègent les institutions européennes, l’OTAN, un grand nombre d’institutions et d’organisations internationales, et plus de 7000 journalistes, est un centre stratégique incontournable pour la diplomatie et les lobbysmes internationaux. Les gouvernements de tous les pays y accréditent leurs diplomates et leurs stratèges les plus chevronnés.
Avec l’élargissement de l’U.E qui passe de 15 à 27 membres, Bruxelles où les intelligences du monde entier élaborent des stratégies d’intérêts et anticipent sur les événements internationaux, dépasse aujourd’hui, sur le plan géostratégique, la capitale américaine, Washington. Cette situation exceptionnelle de confrontation d’intérêts qu’offre la Belgique au reste du monde a donné naissance dans la société civile à un nombre incalculable d’associations de toutes sortes qui s’activent dans différents domaines : culturels, cultuels, sociaux, et voire même politiques pour venir en appui au travail de leur pays d’origine… En effet, à cette fin, de nombreuses associations interviennent dans la vie interculturelle et religieuse. Elles organisent régulièrement des débats sur la diversité culturelle et cultuelle, sur des thèmes consacrés à la place de la religion dans les sociétés européennes et occidentales et dans le monde du travail (discrimination…).
La Belgique qui réussit à faire de sa diversité une richesse, sa capitale Bruxelles qui est devenue cosmopolite et où vivent plus de 80 nationalités différentes, ne nous offre-t-elle pas une opportunité dans les limites légales, qui consiste en un large champ de liberté d’action pour créer un centre de ‘’Fait Religieux’’ ?
Saïd CHATAR