L’état d’urgence est entré en vigueur mardi au Sri Lanka où se poursuit la traque des responsables des attentats suicides qui ont fait au moins 290 morts le dimanche de Pâques, dont des dizaines d’étrangers, un bain de sang imputé à un mouvement islamiste local dont l’enquête cherche à déterminer d’éventuelles connexions internationales.
Vingt-quatre personnes ont été arrêtées après ces attentats à la bombe coordonnés qui ont visé quatre hôtels et trois églises, ont indiqué les autorités sri-lankaises. Le FBI les assiste dans leur enquête et Interpol va également déployer une équipe d’enquêteurs.
Ces attaques qui ont aussi fait 500 blessés n’ont toujours pas été revendiquées.
Mais 87 détonateurs de bombes ont été découverts lundi dans une gare de bus de Colombo située à mi-chemin des hôtels haut de gamme du front de mer et de l’église Saint-Antoine, les sites des attentats de dimanche.
L’état d’urgence a été décrété à partir de lundi minuit (18H30 GMT) dans ce pays de 21 millions d’habitants, ainsi qu’un nouveau couvre-feu nocturne.
Le Sri Lanka n’avait pas connu un tel épisode de violences depuis la fin de la guerre civile il y a dix ans. Et jamais la minorité chrétienne de l’île (7% de la population) n’avait été la cible d’un tel carnage.
Les enquêteurs cherchent désormais à déterminer si le National Thowheeth Jama’ath (NTJ), désigné comme responsable des attentats, a pu bénéficier d’un soutien logistique étranger.
Le porte-parole du gouvernement sri-lankais a indiqué avoir « du mal à voir comment une petite organisation dans ce pays peut faire tout cela ». « Nous enquêtons sur une éventuelle aide étrangère et leurs autres liens, comment ils forment des kamikazes, comment ils ont produit ces bombes », a-t-il dit.
Le principal fait d’armes de ce groupe extrémiste peu connu était jusqu’ici était la dégradation de statues bouddhiques en décembre dernier.
Mais l’organisation avait fait il y a dix jours l’objet d’une alerte diffusée aux services de police, selon laquelle elle préparait des attentats suicides contre des églises de la minorité chrétienne et l’ambassade d’Inde à Colombo.
Le porte-parole du gouvernement Rajitha Senaratne a indiqué que cette alerte n’avait pas été transmise au Premier ministre ou à d’autres ministres de haut rang.
« Les services de renseignement ont signalé qu’il y a des groupes terroristes internationaux derrière les terroristes locaux », a affirmé le président Maithripala Sirisena lors d’une rencontre avec des diplomates étrangers, demandant l’assistance de la communauté internationale, selon des propos rapportés par ses services.
Les deux principales organisations jihadistes internationales, al-Qaïda et le groupe Etat islamique (EI), cherchent depuis des années à recruter dans les communautés musulmanes du sous-continent indien. Leur propagande insiste sur les persécutions dont sont, selon elles, victimes les musulmans de la région.
– Une trentaine d’étrangers tués –
Au moins 31 étrangers, dont quatre Américains, figurent parmi les morts, a annoncé lundi le ministère sri-lankais des Affaires étrangères. 14 autres sont toujours portés disparus et pourraient figurer parmi les victimes non identifiées à la morgue, a ajouté le ministère.
Mais, de son côté, la police locale a établi à au moins 37 le bilan des tués étrangers, alors que le processus d’identification des victimes s’avère compliqué.
Madrid a annoncé la mort de deux Espagnols et les Pays-Bas ont fait part de trois Néerlandaises tuées.
– Retour de la peur –
En fin d’après-midi lundi, une explosion s’est produite lors d’une opération de déminage de bombe à proximité de l’église Saint-Antoine à Colombo, provoquant un mouvement de panique.
Lundi, la morgue de la capitale était le théâtre de scènes de désolation. « La situation est sans précédent », notait un responsable sous couvert de l’anonymat. « Nous demandons aux proches de fournir de l’ADN pour aider à identifier certains corps », trop mutilés.
Dans les rues de Colombo lundi, la vie a repris un cours d’apparence normale. Pour nombre de Sri-Lankais, les attentats de dimanche ont réveillé les terribles souvenirs des années noires de la guerre civile entre la majorité cinghalaise et la rébellion indépendantiste tamoule.
À l’époque, les attentats à la bombe étaient courants. « La série d’explosions hier nous a remis en mémoire le temps où nous avions peur de prendre des bus ou des trains à cause des colis piégés », a témoigné Malathi Wickrama, une balayeuse municipale.
– Attaques quasi-simultanées –
Six explosions très rapprochées sont survenues dimanche matin et deux autres plusieurs heures après, dans ce pays prisé des touristes pour ses plages idylliques et sa nature verdoyante.
A Colombo, trois hôtels de luxe en front de mer ainsi qu’une église ont été frappés par des kamikazes. Des bombes ont aussi explosé dans une église à Negombo et dans une autre à Batticaloa (est).
Quelques heures plus tard, deux nouvelles déflagrations sont survenues dans un hôtel de Dehiwala, banlieue sud de Colombo, et à Orugodawatta, dans le nord de la capitale.
Et dimanche soir, une « bombe artisanale » a été désamorcée sur une route menant au principal terminal de l’aéroport de Colombo, qui reste ouvert sous haute sécurité.
Du Vatican aux Etats-Unis en passant par l’Inde, les condamnations internationales ont été unanimes.
« Le président Trump a promis le soutien des États-Unis au Sri Lanka pour déférer les auteurs devant la justice », selon la Maison Blanche. Le président américain a appelé le Premier ministre du Sri Lanka pour lui présenter ses condoléances.
Environ 1,2 million de catholiques vivent au Sri Lanka, un pays majoritairement bouddhiste (70%) qui compte aussi 12% d’hindous et 10% de musulmans.
Les ambassades étrangères au Sri Lanka ont recommandé à leurs ressortissants d’éviter tout déplacement non impératif. Les États-Unis ont évoqué la possibilité de nouvelles attaques, dans leurs conseils aux voyageurs.
Source AFP