Quatre associations musulmanes se sont constituées pour reprendre tout ou partie des activités de la Grande mosquée, dénoncée par le Parlement comme un foyer de propagande wahhabo-salafiste. La dernière proposition en date émane d’un imam anversois très conservateur.
Depuis que l’Etat a signifié son renom à la Ligue islamique mondiale (Arabie saoudite) qui gérait la Grande mosquée du Cinquantenaire à travers l’asbl Centre islamique et culturel de Belgique (CICB), la communauté musulmane est inquiète. Le lieu est symboliquement chargé, à deux pas des institutions européennes, et quel que soit le mauvais bulletin que lui a décerné la commission d’enquête parlementaire sur les attentats, les musulmans lui restent très attachés, notamment pour la prière du vendredi.
Quelle « communauté locale » va accompagner l’Exécutif des musulmans de Belgique (EMB) dans la gestion de ce lieu emblématique, que les derniers occupants « saoudiens » doivent avoir quitté pour le 31 mars prochain ? En effet, le ministre de la Justice, Koen Geens (CD&V), ne veut pas se contenter de remettre les clés de l’établissement religieux à l’EMB : il veut susciter à ses côtés une communauté locale qui représentera la diversité de l’islam et son adéquation aux valeurs démocratiques.
Trois associations ont déjà fait acte de candidature :
1. Les fidèles de la grande mosquée de Bruxelles, avec comme président Idriss Anbari et trésorier-secrétaire la psychologue Virginie Leblicq qui, en 2016, avait défendu le port du burkini (tenue de bain couvrante) et le port du voile par des enfants sur un plateau de RTL-TVI;
2. L’Association des Parents d’élèves Merkez, qui se propose d’assurer la continuité des cours d’arabe donnés à la grande mosquée ;
3. La Grande Mosquée du Cinquantenaire, dont fait partie Hanif Farooque (trésorier), l’imam belgo-pakistanais qui fait actuellement l’appel à la prière au Cinquantenaire, succédant ainsi à l’imam-directeur Tamer Abou el Saod. Les deux premières associations sont globalement de tendance fréro-salafiste, le courant idéologique dominant à Bruxelles. La troisième semble logiquement reliée à la Ligue islamique mondiale qui, selon toute apparence, ne renonce pas à son influence en Belgique.
Le Vif/L’Express a appris qu’une quatrième association annonce une conférence de presse le 27 février: Het cultureel Islamitisch Centrum van België (Centre culturel islamique de Belgique), qui a adopté le même acronyme que l’ancien CICB et se veut le lieu de rassemblement d’ « un islam belge neutre, pluraliste et modéré », ouvert à la diversité, à l’égalité hommes/femmes, à la démocratie et au respect de la Constitution, rejetant les ingérences étrangères et toute forme d’extrémisme ou d’islam politique, autofinancé, déterminé à combattre « la haine, l’antisémitisme et l’islamophobie ».
Ses promoteurs sont connus comme le loup blanc en Flandre. Le président du CICB est l’imam gantois et professeur de religion islamique Brahim Laytouss et le vice-président Nordine Taouil, imam à Anvers, ancien prédicateur et responsable de la section « conversion » du Centre islamique et culturel de Belgique. L’eau et le feu. Souvent qualifié de « progressiste » par les médias flamands, Brahim Laytouss a été acquitté en novembre dernier au bénéfice du doute dans une affaire de harcèlement sexuel d’un élève. Il a été suspendu de son poste d’enseignant et n’a pas été réintégré depuis.
Quant à Nordine Taouil, il s’était fait connaître du grand public en 2009, en prenant la tête de la contestation du règlement d’ordre intérieur des athénées d’Anvers et de Hoboken interdisant le port de tout signe religieux et politique. Il avait appelé à boycotter les deux établissements. Dans une causerie (non datée) sur le rôle de la femme dans l’islam, encore présente sur Dailymotion, il accuse les Occidentaux de s’habiller « comme des animaux », incite les femmes à ne pas sortir de chez elles sans raison valable, encourage les musulmans à faire des enfants afin que l’Europe deviennent musulmane : « Où en serons-nous dans cinquante ans ? Toute l’Europe- inch Allah- sera devenue musulmane. Donc, faites des enfants ! Mariez-vous et faites des enfants ! »
Sans surprise, il avait été qualifié d' »extrémiste musulman de tendance wahhabo-salafiste » par l’ancien administrateur général de la Sûreté de l’État, Alain Winants, jamais démenti. Formé notamment en Arabie saoudite, Nordine Taouil a quitté l’assemblée générale de l’Exécutif des musulmans de Belgique en 2015. En 2017, lorsque l’Etat a manifesté sa volonté de mettre fin au bail emphytéotique de la Ligue islamique mondiale, Nordine Taouil s’est rangé du côté de l’ONG saoudienne pour s’entremettre auprès des autorités belges en compagnie de Mohamed Bechari, président de la Fédération nationale des musulmans de France. Sa réapparition à la tête d’une association visant à participer à la gestion de la Grande mosquée est un épisode supplémentaire de sa biographie mouvementée