En partenariat avec le gouvernement, l’appli Absher permet aux pères et maris d’empêcher leurs femmes et leurs filles de quitter le pays.
Chaque année, plus de mille femmes fuient l’Arabie Saoudite en quête de liberté, mais elles sont nombreuses à se retrouver bloquées à la frontière à cause d’un système de surveillance mis en place par le gouvernement. Sur leur smartphone, les hommes utilisent l’application Absher (qui veut dire «le prédicateur» en arabe) pour des tâches administratives de base, comme payer des amendes ou renouveler un permis de conduire, mais aussi pour surveiller les femmes qui sont sous leur tutelle.
En effet, les Saoudiennes ont besoin de l’autorisation d’un tuteur (leur père, leur mari ou leur frère) pour voyager, et via Absher, les hommes peuvent accorder ou révoquer leur permission en quelques clics. L‘application notifie immédiatement les autorités et une femme qui présente son passeport à l’aéroport sera empêchée de prendre l’avion si son tuteur en a décidé ainsi. C’est pourquoi de nombreuses Saoudiennes qui tentent de fuir leur famille le font pendant des vacances à l’étranger, où les autorités locales n’obéissent pas aux interdictions de déplacement promulguées par les tuteurs.
L’application donne aussi la possibilité aux hommes de recevoir des alertes SMS lorsqu’une de leurs proches montre son passeport à la frontière ou dans un aéroport. Le ministère de l’intérieur saoudien envoie alors directement un message via l’application. Le site Business Insider a obtenu plusieurs captures d’écran de ces messages, qui étaient obligatoires de 2012 à 2014. Un mari dont la femme voyage recevra un texto de ce genre: «Sarah, numéro ***7698, a quitté l’aéroport King Abdulaziz le 12-11-2012.»
Afin de s’échapper sans être traquées, certaines femmes volent le téléphone de leur tuteur, changent les mots de passe et se donnent des autorisations de voyager. Mais ce n’est pas une solution idéale car le tuteur peut s’en rendre compte très vite s’il vérifie régulièrement les paramètres de son application. D’autres femmes ont déjà essayé de changer le numéro de téléphone d’alerte afin que les SMS de traque soient envoyées à elles plutôt qu’à leurs pères, frères ou maris.
Dans de nombreux cas, les familles retrouvent les fugitives, mais depuis quelques années, des réseaux d’entraide se sont développés, et des femmes qui ont fui le pays aident celles qui souhaitent aussi refaire leur vie hors d’Arabie Saoudite.