Vendredi 18 janvier 2019 par
Pour Me Michèle Hirsch Avocate du Centre de coordination des organisations juives de Belgique (CCOJB) partie civile au procès, l’attentat antisémite commis par Mehdi Nemmouche est le premier d’une série d’attentats commis en Europe par des djihadistes envoyés par l’Etat islamique.
© John Stapels
Comment envisagez-vous le procès de Mehdi Nemmouche ?
Notre tâche consiste d’abord à démontrer devant la Cour d’assises que les preuves de la culpabilité de Nemmouche comme auteur de la tuerie du Musée juif de Belgique au nom de l’Etat islamique sont accablantes. Ensuite, nous tâcherons de démontrer que l’attentat commis par Nemmouche contre une cible juive est le premier attentat d’une série d’attentats djihadistes commis en Belgique et en France par l’Etat islamique. Comme l’a très justement rappelé le rabbin Delphine Horvilleur, les Juifs sont souvent dans nos sociétés comme des canaris dans la mine. « Quand on commence à s’attaquer aux juifs, cela préfigure toujours une violence encore plus grande ». La violence qui les frappe est le symptôme d’un effondrement à venir et de violences extrêmes qui menacent toute la société. C’est précisément ce qui s’est passé avec l’attentat du Musée juif de Belgique qui a annoncé les attentats au Bataclan et au Stade de France en novembre 2015 ainsi que les attentats de l’aéroport de Zaventem et de la station de métro Maelbeek le 22 mars 2016.
Il s’agit donc du premier attentat commis par un djihadiste revenu du Syrie et envoyé en Europe par l’Etat islamique pour y semer la terreur ?
Oui c’est ce que je déduis du dossier. Quand Nemmouche est en Syrie, il est en contact avec ceux qui commettront les attentats à Paris en 2015 et à Bruxelles en 2016. Najim Laachraoui, qui a commis l’attentat de Zaventem (un des hommes qui pousse le charriot dans le hall de l’aéroport) et qui a aussi participé à celui du Bataclan en tant qu’artificier, était aux côtés de Nemmouche en Syrie lorsque ce dernier était le geôlier des journalistes otages de l’Etat islamique. De Syrie, il a également été en contact avec Abdelhamid Abaaoud, le chef opérationnel des attentats de Paris de novembre 2015.
Les vidéos que Nemmouche a enregistrées permettent-elles d’établir le lien entre ces différents attentats djihadistes ?
Oui. Mehdi Nemmouche y revendique l’attentat du Musée juif. Initialement, il avait même prévu de filmer son acte au moyen d’une caméra fixée sur sa veste comme l’avait fait à Toulouse Mohammed Merah. Sa caméra n’a pas fonctionné. Quand il est revenu à son appartement à Molenbeek, il a alors enregistré des vidéos dans lesquelles il revendique l’attentat du Musée juif. Sur des sacs poubelles blancs de Bruxelles-Propreté, il a étendu la Kalachnikov, l’étendard de l’Etat islamique en Irak et au Levant (le califat ne sera proclamé que le 29 juin 2014), la casquette et ses vêtements. Il filme, commente lui-même ces images en disant qu’il regrette ne pas avoir pu filmer l’attentat, qu’il a commis cet attentat au nom de l’Etat islamique en Irak et au Levant et menace : « ce n’est que le début d’une longue série d’attaques sur Bruxelles. Nous avons la ferme détermination à mettre cette ville à feu et à sang ». Il faut relever qu’il utilise alors la première personne du pluriel (nous) et non pas la première personne du singulier (je) pour annoncer les attentats à venir. Il conclut par Etat islamique en Irak et au Levant. Toutes ses menaces ont été mises à exécution et les attentats de Paris et de Bruxelles en sont la tragique démonstration.
L’antisémitisme de Nemmouche est-il crucial ?
Oui. Nemmouche a exprimé un antisémitisme virulent dans le dossier, une haine des juifs. Son modèle, son idole c’est Mohammed Merah, l’auteur de la tuerie de l’école juive de Toulouse. Les journalistes otages en Syrie rapportent que Medhi Nemmouche, leur geôlier, répétait qu’à l’instar de Merah il allait « fumer » une petite fille juive…
Que vous inspire la stratégie de défense des avocats de Nemmouche ?
J’ai d’abord été stupéfaite, comment est-ce possible ? Je ne pensais pas dans ma vie d’avocat entendre un jour dans une Cour d’assises des avocats invoquer « un complot juif », un attentat ciblé du Mossad au Musée juif ….pour tenter d’induire le jury en erreur. Sous couvert d’une « défense » et des droits de la défense, c’est en réalité une tribune qui est donnée à des thèses complotistes et antisémites. L’antisémitisme a été érigé en système de défense. Dans les semaines à venir nous continuerons à nous battre devant la cour d’assises pour contribuer à permettre au jury de remplir sa mission qui est de rendre la justice et de juger sur base de preuves du premier attentat terroriste antisémite de l’Etat islamique commis en Europe.
Source :CCLJ