Au moins trois personnes, dont un diplomate libyen, ont été tuées dans une attaque « terroriste » menée par trois assaillants contre le ministère des Affaires étrangères mardi à Tripoli, illustrant le « chaos sécuritaire » qui prévaut dans le pays.
Selon un nouveau bilan du ministère de la Santé, 21 personnes ont par ailleurs été blessées dans cette attaque qui a été notamment condamnée par la mission de l’ONU en Libye (Manul) et l’ambassade britannique.
« Le terrorisme ne triomphera pas devant la décision des Libyens d’avancer dans la construction de leur État et de renoncer à la violence », a indiqué la Manul dans un communiqué.
Le ministre de l’Intérieur, Fathi Bach Agha, a reconnu toutefois que le « chaos sécuritaire » continuait de faire de son pays un « terrain fertile » pour le groupe jihadiste Etat islamique (EI).
Il a dénoncé le manque de moyens dont dispose son ministère. « Zéro arme, zéro véhicules » dans les dépôts, a-t-il déploré lors d’une conférence de presse avec son homologue des Affaires étrangères, Tahar Siala.
A cet effet, M. Siala a « renouvelé » l’appel du gouvernement d’union nationale (GNA) à une levée partielle de l’embargo sur les armes imposé par l’ONU à son pays depuis 2011.
« La stabilité ne peut pas être rétablie (…) sans une levée partielle de l’embargo pour assurer la sécurité et combattre le terrorisme », a-t-il dit.
Tahar Siala a par ailleurs confirmé la mort d’un diplomate dans l’attaque, directeur d’un département au sein de son ministère, Ibrahim al-Chaibi. L’identité des deux autres morts n’est pas encore connu.
– L’EI pointé du doigt –
Plus tôt Tarak al-Dawass, porte-parole des forces spéciales, a accusé le groupe EI d’être derrière l’attaque. Il n’y pas eu de revendication à ce stade.
En matinée, une « voiture piégée » a tout d’abord explosé a proximité du bâtiment, amenant des forces de sécurité à se rendre sur le site, a-t-il dit à l’AFP.
Un kamikaze est alors entré dans le bâtiment où il s’est fait exploser au 2e étage, a-t-il ajouté. Un deuxième assaillant est mort dans l’enceinte du ministère après l’explosion d’une valise qu’il portait, tandis que le troisième, qui n’était pas armé et « ne portait qu’un gilet par-balles », a été tué par les forces de sécurité à l’extérieur.
Un cordon de sécurité a été mis en place autour des locaux du ministère ravagé par le feu, avant que les services de protection civile n’arrivent à venir à bout de l’incendie, selon des journalistes de l’AFP sur place.
La Libye est plongée dans le chaos depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. Le pays est divisé entre plusieurs entités rivales, avec notamment la présence à Tripoli d’un gouvernement d’union nationale (GNA), soutenu par la communauté internationale, et dans l’Est, un cabinet parallèle appuyé par l’Armée nationale libyenne (ANL) autoproclamée par le maréchal Khalifa Haftar.
Ce chaos politique et sécuritaire a favorisé l’émergence de groupes jihadistes, qui ont commis de nombreuses attaques ces dernières années.
– « Rivalités internes »-
En septembre, le groupe EI –qui était un temps parvenu à créer un sanctuaire dans la région de Syrte (450 km à l’est de Tripoli)–, a revendiqué une attaque suicide dans la capitale contre le siège de la Compagnie nationale de pétrole (NOC). Deux personnes étaient décédées.
Quelques mois plus tôt, début mai, deux kamikazes de l’EI avaient fait 14 morts dans une attaque contre le siège de la Commission électorale à Tripoli.
La capitale libyenne a en outre été le théâtre de violences entre groupes armés rivaux du 27 août au 4 septembre, qui ont fait plus de 60 morts.
Les attaques de l’EI « visent souvent les institutions synonymes d’une Libye fonctionnelle, unie et liée à la communauté internationale (élections, hydrocarbures, diplomatie, sécurité… », a affirmé à l’AFP Jalel Harchaoui, spécialiste de la Libye à l’université Paris-VIII.
« L’organisation extrémiste frappe fréquemment dans les moments où les Libyens sont absorbés par leurs rivalités internes », a-t-il encore dit.
Des pourparlers ont eu lieu ces derniers mois à Paris puis en Sicile pour tenter de faire avancer le processus politique dans ce pays de quelque six millions d’habitants, avec notamment la tenue d’élections.
Au début du mois, le président de la Haute commission nationale électorale (HNEC), Imed al-Sayeh, a affirmé qu’un référendum sur une nouvelle Constitution pourrait se tenir en février, si les conditions de sécurité sont réunies.
Outre le fait de constituer un potentiel repaire de jihadistes, les pays européens s’inquiètent de la situation en Libye autour de la question des migrants: des dizaines de milliers de personnes cherchent chaque année à rejoindre les côtes italiennes à partir de la Libye où les passeurs, profitant du chaos, sont très actifs.
Source AFP