8 Déc 2018
La quatrième journée de manifestations des « gilets jaunes » a débuté samedi sous le signe d’une mobilisation massive des forces de l’ordre, notamment à Paris, en partie barricadée, pour tenter d’éviter les débordements redoutés.
Partout dans l’Hexagone, des mesures de sécurité exceptionnelles ont été décrétées, notamment dans la capitale où les scènes de guérilla urbaine du week-end dernier ont stupéfié le pays et l’étranger. 89.000 membres des forces de l’ordre sont mobilisés, dont 8.000 à Paris.
Dès l’aube, l’ouest parisien s’est couvert de bleu: de nombreuses voitures de police et gendarmerie bloquent les accès des grandes artères et des grandes places, notamment celles de la Concorde et de l’Etoile. L’Etat a déployé exceptionnellement 14 « VBRG », ces véhicules blindés à roue de la gendarmerie.
Le gouvernement, voyant que les mesures annoncées dans la semaine ne suffisait pas à calmer la colère, a multiplié les appels au calme ces derniers jours, et plusieurs figures de cette contestation née sur les réseaux sociaux ont appelé à défiler pacifiquement.
Et surtout les contrôles ont été renforcés: jusqu’à présent 354 personnes ont été interpellées à Paris, et 127 personnes ont été placées en garde à vue, selon la préfecture de police.
« Le mode d’intervention a changé: y aura plus de contrôles, plus d’interventions directes », a reconnu samedi matin le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, interrogé par « Brut ».
Avant 10H00, quelques milliers de manifestants ont commencé à descendre l’avenue des Champs-Elysées, où la quasi totalité des magasins sont barricadés derrière des plaques de bois essentiellement, aux cris de « Macron démission ».
« On aimerait bien aller à l’Elysée mais je ne sais pas si on y arrivera », dit Fabien Simon, venu de l’Yonne. Face à eux, un important cordon de forces de l’ordre.
– « Un mur devant nous » –
Plus de trois semaines après le lancement de ce mouvement pour le pouvoir d’achat né de la contestation de l’augmentation de la taxe sur les carburants, de nombreux « gilets jaunes » venaient pour la première fois manifester à Paris.
Et le dispositif de sécurité très renforcé en exaspérait certains. « Aujourd’hui, c’est un mur encore pire qu’on dresse devant nous, pour nous étouffer encore plus », dénonce Sylvia, 55 ans, kinésithérapeute, qui assure que « la majorité des gilets jaunes sont pacifistes ».
Sur la place de la Bastille, les policiers, sur le qui vive, contrôlent les sacs, ouvrent les valises des touristes… Gérard, 69 ans, habitant du quartier, affirme: « On se croirait en guerre. Je n’aurais jamais pensé vivre ça un jour, surtout pas à Paris ».
Les grands magasins parisiens resteront fermés toute la journée, du jamais vu pour un samedi précédant les fêtes.
A Paris, la tour Eiffel, le Louvre seront aussi fermés, tout comme de nombreux commerces et restaurants et 36 stations de métro.
Plusieurs pays européens ont conseillé la prudence à leurs ressortissants, voire d’éviter Paris ce week-end comme la Belgique.
– A6 coupée –
A Lille, une cinquantaine de « gilets jaunes », en majorité casqués, sont partis peu avant 08H30 pour rejoindre Paris en bus. « On monte à Paris pour faire entendre à l’Etat que le peuple souffre », a expliqué Lionel Brandao.
Plus au sud, certains ont repris les blocages d’axes autoroutiers: l’autoroute A6 est coupée au niveau de Villefranche-sur-Saône dans le sens Paris-Lyon, en raison « d’une manifestation importante de gilets jaunes ».
Soucieux d’éviter « des morts et des blessés », des représentants des « gilets jaunes libres », un collectif qui réclame au gouvernement plus de mesures pour aider ceux qui « arrivent de moins en moins à boucler leurs fins de mois », ont appelé à manifester pacifiquement, et pas à Paris pour éviter de se faire assimiler à des « casseurs ».
Plus radical, l’un des initiateurs de la contestation, Eric Drouet, qui avait appelé à « rentrer » dans l’Elysée samedi et est à ce titre visé par une enquête, a semblé vendredi jouer l’apaisement en invitant les « gilets jaunes » à finalement « aller sur le périphérique » parisien samedi matin.
Les « gilets jaunes libres », qui se veulent « modérés », ont été reçus pendant une heure et demie vendredi soir à Matignon par Edouard Philippe.
« Le Premier ministre nous a écoutés et promis de porter nos revendications au président de la République. Maintenant nous attendons M. Macron. J’espère qu’il (…) prendra des décisions fortes », a déclaré à la sortie l’un d’eux, Christophe Chalençon.
Silencieux toute la semaine, Emmanuel Macron ne s’exprimera qu’en « début de semaine prochaine » sur la crise, selon le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand.
L’exécutif craint une alliance entre ultradroite, ultragauche, « gilets jaunes » les plus remontés et jeunes de banlieue, dont certains se sont livrés à des pillages samedi dernier à Paris.
Les concessions du gouvernement, notamment l’annulation de l’augmentation de la taxe sur les carburants, semblent n’avoir eu aucun effet, si ce n’est d’avoir fragilisé le Premier ministre Édouard Philippe qui défendait une simple suspension avant d’être brutalement désavoué par l’Élysée.
Le gouvernement craint aussi une extension de la contestation à d’autres secteurs, notamment chez les agriculteurs et dans l’éducation.
Source AFP