14 octobre 2018
Un an après l’explosion d’une voiture piégée, la journaliste maltaise anti-corruption Daphne Caruana Galizia, ceux qui ont ordonné le meurtre restent libres tandis que ceux qui continuent son travail dans le plus petit État de l’Union européenne sont des traîtres.
Le champ balayé par les vents où la voiture incendiée de la mère de trois enfants s’est retrouvée le 16 octobre 2017 est devenu un monument de sa vie.
Des partisans de la liberté d’expression tels que Tania Attard viennent dans cet endroit isolé pour placer des fleurs sous une bannière appelant à la justice, flottant à côté d’un drapeau maltais.
« Si la personne responsable est établie, alors peut-être que nous pourrons nous reposer et voir que justice est faite », a déclaré Attard à l’AFP.
« Je suis sûr qu’ils n’ont jamais réalisé que cela arriverait si loin, que cela … se transformerait en quelque chose d’aussi important et international. »
Après sa mort, un consortium international de journalistes a lancé le projet Daphne, coordonné par Forbidden Stories, une organisation basée à Paris qui se consacre à la poursuite du travail de journalistes assassinés ou emprisonnés.
« Ils ont juste pensé qu’ils l’élimineraient et qu’ils se sentiraient mieux, mais je ne pense pas que ce soit le résultat, je pense que cela s’est retourné contre eux », a déclaré Attard.
Mais alors que les journalistes à l’étranger peuvent continuer son travail, ceux de Malte qui réclament justice sont des traîtres.
Le blog de Caruana Galizia a pour objectif de révéler les scandales qui ont touché l’île de moins d’un demi-million de personnes: contrebande d’essence, blanchiment d’argent, comptes bancaires à l’étranger, népotisme, impliquant des membres du gouvernement et du crime organisé.
Il a également lancé des attaques très personnelles contre des hommes politiques maltais.
– Menaces et insultes –
Le journaliste et blogueur Manuel Delia dit qu’il reçoit des menaces et des insultes dans la rue à cause de son travail, notamment en s’adressant à des journalistes étrangers, tout comme Caruana Galizia de son vivant.
« Plus le temps passe, plus nous réalisons que la démocratie ne fonctionne pas vraiment ici, la primauté du droit ne prévaut pas », a déclaré Delia, qui a travaillé pendant des années pour le parti nationaliste jusqu’à sa défaite contre le parti travailliste en 2013.
« Les institutions sont complètement cooptées et possédées par le gouvernement, et le gouvernement est possédé par des personnes motivées par leur propre pouvoir et leur propre profit. »
Les partisans de Caruana Galizia se réunissent le 16 de chaque mois pour demander justice. Pendant ce temps, les autorités envoient régulièrement des nettoyeurs de rues pour retirer un mémorial impromptu qui réapparaît constamment dans le centre historique de La Valette.
Malgré les demandes répétées adressées au bureau du Premier ministre travailliste Joseph Muscat et au gouvernement pour des commentaires officiels avant l’anniversaire, aucune n’a été reçue.
Un responsable du bureau de Mascate a brièvement bloqué un journaliste de l’AFP sur Twitter pour lui demander de commenter, puis a invité des questions par courrier électronique auxquelles il n’a jamais été répondu.
Trois hommes qui auraient perpétré l’attentat à la voiture piégée ont été arrêtés et font l’objet d’un procès, mais celui qui a ordonné le meurtre reste libre.
L’opposition politique au gouvernement travailliste est constituée du parti nationaliste, dirigé par Simon Busuttil jusqu’en juin dernier.
Il dit que les enquêtes et les accusations de corruption portées par Caruana Galizia ont dépassé les limites du parti, bien qu’elle ait plus régulièrement faussé les contacts des membres du parti travailliste.
« Vous savez que ses derniers mots (sur son blog) étaient » la situation est désespérée « et je pense qu’aujourd’hui, la situation est encore plus désespérée », a déclaré Busuttil à l’AFP dans ses locaux à La Valette.
– Toujours en fuite –
« Parce que les personnes qui ont ordonné son assassinat sont toujours en fuite et que les histoires de corruption qu’elle a révélées n’ont toujours pas été résolues et que ces histoires de corruption impliquent des personnes qui dirigent réellement le pays. »
Il a ajouté que Bruxelles devrait veiller à l’application de l’état de droit dans l’île qui a rejoint l’Union européenne en 2004.
Corinne, la sœur de la journaliste assassinée, a déclaré que l’enquête pénale en cours avait une portée limitée et qu’il devrait y avoir une enquête indépendante.
« Ils ne recherchent pas si la vie de Daphne aurait pu être sauvée, ils n’examinent pas non plus s’il y avait une possibilité de complicité d’un État, ils n’enquêtent pas sur la possibilité d’un délit de négligence de la part de l’État et ils n’enquêtent certainement pas sur les moyens de prévenir de futurs décès » AFP.
« Une personne a été tuée, personne n’a été puni, rien n’a changé. Si c’était dangereux pour Daphne, songez à quel point c’est pire maintenant. »
Source AFP