Comme pendant le Vietnam, le plus grand n’est pas en passe de gagner loin s’en faut. Le Yémen pourrait être le cimetière des ambitions de MBS et de celui de MBZ.
La guerre au Yémen, qui pour l’Arabie Saoudite et les Emirats-Arabes-Unis semble être avant tout une histoire de politique interne quatre ans après son début, n’en finit pas… de ne pas finir. Les Printemps arabes se sont éteints les uns après les autres mais des chantiers à ciel ouvert restent sous le feu de la géopolitique mondiale et des conflits d’intérêts locaux : le sud de la péninsule arabique en fait partie. Crimes de guerre qualifiés par l’ONU, torture, violations des droits de l’homme en tout genre, voilà le lot du pays aujourd’hui.
Qualifiée souvent de “pire crise humanitaire de la planète”, la guerre menée au sommet par Mohamed Ben Salmane, prince héritier du royaume d’Arabie Saoudite, et également sur le terrain par Abu Dhabi, a déjà fait près de 10 000 morts. Choléra et diphtérie ravagent le pays. Près de 2 millions de déplacés ont tout perdu dans le pays selon l’ONU. Un enfant y meurt toutes les dix minutes. Aujourd’hui, la volonté de MBS et de Mohamed Ben Zayd (MBZ) d’en finir avec les « rebelles » houthis soutenus par l’Iran et en partie aux manettes de la capitale Sanaa est claire. Il n’y a pas d’alternative ni de négociation possible entre les deux parties. Le choix de fierté de vouloir en finir définitivement avec la rébellion au prix du plus grand nombre de morts, et par tous les moyens est ancré dans le code génétique des deux dirigeants, comme le souhait de maintenir leur zone d’influence de façon autoritaire et ne rien céder à Téhéran. Les deux frères ennemis de la région sont en train de provoquer un cataclysme régional et humain qui aura de lourdes conséquences pour les prochaines décennies.
Depuis les révolutions arabes, quelque uns ont bénéficié du droit international alors que beaucoup subissent son inapplication pratique. L’Arabie Saoudite parce que premier allié de l’Occident, pays stratégique et plus grand pays a les mains libres et a été propulsé chef de la coalition anti-terroriste dans la région. Cela valait pour Daech comme pour les Houthis. Quitte à provoquer l’effondrement du Conseil de Coopération des pays du Golfe qui était un puissant outil politique en isolant le Qatar et en l’accusant d’être lui le foyer du terrorisme régional. Combien de morts auraient provoqué le Qatar ? La cabale médiatique orchestrée contre Doha a largement désormais joué en faveur de la vérité : Arabie Saoudite et Emirats-Arabes-Unis se retrouvent les arroseurs arrosés.
Ils sont désormais prêts à détruire un pays en bombardant des civils, bombardements multiples à l’aveugle déjà largement condamnés par la communauté internationale. Mais aussi à torturer comme les accusations régulières contre les Emirats le montrent dans le presse
. Chaque jour qui s’ajoute dans cette guerre, ne change rien au soutien indéfectible du seul allié délocalisé qui vaille pour l’Arabie Saoudite dans sa politique autoritaire et suicidaire : celui des Etats-Unis. Donald Trump est bien là et l’oncle Sam continue à apporter son soutien au pivot stratégique que représente Ryad, le seul à même selon lui de contrebalancer les effets de l’expansion iranienne dans la région. L’Arabie Saoudite, prête à tout ? Oui puisque les révélations depuis plusieurs semaines s’enchaînent et montrent comment le royaume saoudien pas rancunier et son allié émirati ont été jusqu’à payer des djihadistes… d’Al Qaïda pour en finir avec les Houthis. Cela tombe bien : Al Qaïda comme Daech d’ailleurs n’ont jamais caché que le fondement idéologique de leur action remontait aux sources du salafisme et du wahabisme saoudien, idéologie mondialement diffusée comme une traînée de poudre depuis les années 1980 du désert jusqu’aux banlieues européennes pour soi-disant contrer la révolution chiite.
Quoi qu’il en soit, au nom de l’intérêt supérieur, l’action du chef de file de la coalition contre Daech se met désormais à user des mêmes méthodes de terrorisme d’Etat que les Américains qui financèrent tous ceux qui pouvaient en finir avec le communisme en Afghanistan par exemple en 1979 également : cela veut donc dire islamistes et djihadistes compris. C’est ainsi que naquirent et se répandirent les idéologies djihadistes violentes les plus violentes de l’histoire qui nous menacent encore dans le monde aujourd’hui. Bien sûr de telles alliances contre-nature sont sujettes à toutes les tensions depuis le début. Mais même si elles sont à géométrie variable et que les USA sont au courant depuis le début de ces liaisons dangereuses entre les Saoudiens, les Emiratis et Al Qaïda, ils ont préféré tout miser pour espérer l’anéantissement du mouvement houthi soutenu par l’ennemi absolu, l’ennemi perse. Comme pendant le Vietnam, le plus grand n’est pas en passe de gagner loin s’en faut. La conférence de Paris de juin dernier n’y a rien fait ; celle du 6 septembre chapeautée par Ryad à Genève qui s’annonce pour tenter de sauver le Yémen n’y changera probablement rien non plus.
Le Yémen pourrait surtout être le cimetière des ambitions de MBS et de celui de MBZ, tant l’impuissance de ce puissant pays qu’est l’Arabie Saoudite à venir à bout de ce petit mouvement de rébellion tel qu’on nous l’a présenté, risque bien de faire perdre la face aux Saoudiens. Mais pas seulement : l’Arabie Saoudite, qui est en grand danger économique, a lancé à grands renforts de communication sa « Vision 2030 », vaste programme censé apporter modernisation et diversification à l’économie et libération des mœurs. Or, depuis l’enchaînement des échecs pour MBS (Affaire du Ritz, Qatar et Yémen), le pays se referme de nouveau et le pouvoir autoritaire et impulsif du prince héritier risquerait bien de jouer contre le pays tout entier. 2030 c’est encore très loin. Et derrière, c’est toute l’incompréhension croissante de l’Amérique de la région qui couve et menace
Source: TheHuffingtonPost[divider]